28 novembre 2024
Temps de lecture : 6 minutes
Chaque année, d’éminents scientifiques du monde entier sont invité·e·s à passer en revue les derniers résultats de la recherche sur les changements climatiques et les résument en dix points de vue concis. Ce travail d’experts représente une synthèse riche et précieuse pour les politiques et la société dans son ensemble. Le rapport de cette année représente les efforts collectifs de plus de 80 éminents chercheurs et chercheuses issus de 45 pays. « Ce rapport confirme que le monde est confronté à des défis d’envergure planétaire, depuis l’augmentation des émissions de méthane jusqu’à la vulnérabilité des infrastructures essentielles. Il montre que l’augmentation de la chaleur, l’instabilité des océans et le basculement de la forêt amazonienne pourraient pousser certaines parties de notre planète au-delà des limites de l’habitabilité. Cependant, il fournit également des voies et des solutions claires, démontrant qu’avec une action urgente et décisive, nous pouvons encore éviter des résultats ingérables », a déclaré le professeur Johan Rockström, coprésident de The Earth League.
La version anglaise de cette synthèse a été lancée le 28 octobre. La version française du rapport complet « 10 nouvelles perspectives en sciences du climat 2024/2025 » sera bientôt disponible. Vous trouverez ci-dessous la vue d’ensemble.
Vue d’ensemble
1. Les niveaux de méthane montent en flèche. Il est essentiel de mettre en place des politiques applicables de réduction des émissions. Les niveaux de méthane ont augmenté depuis 2006, principalement en raison de l’activité humaine. Nous possédons suffisamment d’information sur nos émissions de méthane pour prendre des mesures, mais il est vital de mettre en place des politiques plus contraignantes pour favoriser une réduction. Si les diminutions dans les secteurs des combustibles fossiles et des déchets sont les plus réalisables, il est également crucial de s’attaquer aux émissions agricoles. Le réchauffement climatique augmente les émissions naturelles de méthane, ce qui rend plus urgente une baisse rapide des émissions d’origine humaine.
2. La réduction de la pollution atmosphérique a des implications pour ce qui concerne l’atténuation et l’adaptation, compte tenu des interactions complexes entre les aérosols et le climat. La diminution de la pollution atmosphérique a grandement amélioré la santé publique, mais a simultanément révélé toute l’ampleur du réchauffement causé par les émissions historiques de gaz à effet de serre, et a par ailleurs des implications régionales pour ce qui concerne les précipitations et les événements extrêmes. Ainsi, les interactions entre les aérosols et le climat doivent nécessairement être prises en compte dans les stratégies d’atténuation et d’adaptation.
3. L’augmentation de la chaleur rend une plus grande partie de la planète inhabitable. L’augmentation de la chaleur et de l’humidité prive de plus en plus de personnes de conditions climatiques habitables. Plus de 600 millions de personnes sont ainsi déjà touchées et beaucoup d’autres risquent de l’être à mesure que le réchauffement se poursuit. Les plans d’action contre la chaleur, les systèmes d’alerte rapide et les mesures ciblées pour les groupes vulnérables sont une priorité pour l’adaptation dans les régions les plus touchées.
4. Les extrêmes climatiques nuisent au bien-être maternel et reproductif. Le changement climatique accroît les risques pour les femmes enceintes, les enfants à naître et les nourrissons, menaçant des décennies de progrès en matière de santé maternelle et reproductive. Ces effets sont exacerbés dans les contextes caractérisés par des niveaux élevés de pauvreté et des normes sexospécifiques bien ancrées. Les interventions efficaces doivent être intégrées à des efforts plus larges visant à promouvoir l’équité entre les sexes et la justice climatique.
5. Le phénomène El Niño – Oscillation australe et la circulation méridienne de retournement atlantique suscitent des préoccupations alors que l’océan devient de plus en plus chaud. Le réchauffement sans précédent des océans depuis 2023 a renforcé les inquiétudes concernant les interactions à grande échelle entre l’océan et l’atmosphère. De nouvelles recherches mettent en évidence le risque d’événements El Niño plus extrêmes et plus coûteux dans le cadre du changement climatique, et même la menace qui pèse sur la stabilité de la circulation méridienne de retournement atlantique, qui a des répercussions considérables sur le climat et les sociétés.
6. La diversité bioculturelle peut renforcer la résilience de l’Amazonie face au changement climatique. L’Amazonie doit affronter les menaces croissantes du changement climatique et de la déforestation, qui rapprochent la forêt tropicale humide des seuils critiques et augmentent le risque d’un effondrement à grande échelle. Les actions régionales et locales visant à préserver la diversité écologique et bioculturelle peuvent renforcer la résistance de la forêt au changement climatique. Toutefois, ces efforts ne suffiront pas à sauvegarder l’Amazonie si les émissions mondiales ne diminuent pas rapidement.
7. Les infrastructures critiques sont de plus en plus exposées aux dangers climatiques, avec un risque de perturbations en cascade dans les réseaux interconnectés. Les infrastructures critiques qui sous-tendent le fonctionnement de toutes les sociétés sont de plus en plus vulnérables à des risques climatiques plus fréquents et plus intenses, et les systèmes interconnectés présentent un risque d’effets en cascade. Les outils d’intelligence artificielle (IA) peuvent améliorer la résilience des infrastructures critiques face au changement climatique.
8. De nouveaux cadres favorisant un développement résilient face au climat dans les villes fournissent aux décideurs des idées pour générer des cobénéfices. Peu de villes ont intégré efficacement des stratégies d’atténuation et d’adaptation dans leurs plans d’action pour le climat. Une approche fondée sur les systèmes socio-écologiques-technologiques peut aider à orienter le développement de la résilience climatique en maximisant les cobénéfices et en minimisant les compromis grâce à des stratégies adaptées au contexte unique de chaque ville.
9. Combler les lacunes en matière de gouvernance dans la chaîne de valeur mondiale des minéraux de la transition énergétique est essentiel pour une transition juste et équitable. Avec la demande accrue de minéraux pour la transition énergétique, les risques liés à la chaîne d’approvisionnement, les tensions géopolitiques et les impacts socio-environnementaux concentrés dans les pays de l’hémisphère sud devraient s’intensifier. Une transition juste, qui évite aux pays du Sud d’avoir à supporter des charges plus lourdes tout en bénéficiant de moins d’avantages, constitue un défi majeur en matière de gouvernance.
10. L’acceptation des politiques climatiques (ou la résistance à celles-ci) par le public dépend essentiellement de sa perception de leur équité. L’équité perçue est un facteur déterminant de l’acceptation des politiques climatiques par le public. Le fait de ne pas tenir compte des préoccupations des citoyens nuit à l’efficacité de l’action climatique et alimente la résistance. Une prise de décision participative et des plans d’utilisation des revenus clairement communiqués peuvent aider à surmonter les facteurs socio-économiques structurels qui génèrent une résistance aux politiques climatiques.
Remerciements
La série « 10 New Insights in Climate Science » (10 nouvelles perspectives en sciences du climat), lancée avec la CCNUCC lors des COP depuis 2017, est une initiative collaborative de Future Earth, de The Earth League et du Programme mondial de recherches sur le climat, qui synthétise les principaux développements récents dans la recherche sur les changements climatiques. Le rapport de cette année représente les efforts collectifs de plus de 80 éminents chercheurs et chercheuses issus de 45 pays. La traduction française des 10 nouvelles perspectives en sciences du climat 2024/2025 est fournie par la Durabilité à l’Ère Numérique, l’Université Concordia, le pôle canadien de Future Earth et le programme LIEN-D, avec le soutien financier des Fonds de recherche du Québec (FRQ).