Publications

Les 10 nouvelles perspectives en sciences du climat 2024/2025

9 décembre 2024

Temps de lecture : 110 minutes

Chaque année, Future Earth, The Earth League et le Programme mondial de recherches sur le climat réunissent d’éminents chercheurs et chercheuses du monde entier pour examiner les constats les plus urgents de la recherche sur le changement climatique. Cette collaboration mène à la publication des 10 nouvelles perspectives en sciences du climat, sous la forme de deux produits distincts : un article scientifique évalué par les pairs et un rapport stratégique, qui fournit une riche synthèse, utile aux décideurs politiques et à la société dans son ensemble. Les données scientifiques sur lesquelles repose le rapport de cette année ont été publiées entre janvier 2023 et juin 2024. 

Pour les décideurs politiques qui doivent faire face au défi urgent que représente la crise climatique, l’édition 2024/2025 des 10 nouvelles perspectives en sciences du climat offre des orientations crédibles pour 2025 et au-delà.

Pour en savoir plus ou pour accéder à la version originale en anglais de ce rapport, consultez : 10insightsclimate.science

Vous pouvez également regarder notre vidéo pour une discussion animée en français sur ces 10 nouvelles perspectives en sciences du climat 2024/2025.

Couverture du rapport : 10 nouvelles perspectives en sciences du climat 2024-2025

Traduction : Cette traduction française de l’édition 2024/2025 a été réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia, la Durabilité à l’Ère Numérique et le pôle canadien de Future Earth avec l’apport financier des Fonds de recherche du Québec (FRQ) et du Leadership en innovation environnementale, numérique et durable (LIEN-D).

Citation : Future Earth, The Earth League, PMRC (2024). 10 nouvelles perspectives en sciences du climat 2024/2025. Stockholm. doi : 10.5281/zenodo.14645783

Télécharger le PDF de la version française du rapport >

LES PERSPECTIVES EN BREF

Les niveaux de méthane montent en flèche. Il est essentiel de mettre en place des politiques applicables de réduction des émissions. Les niveaux de méthane ont augmenté depuis 2006, principalement en raison de l’activité humaine. Nous possédons suffisamment d’information sur nos émissions de méthane pour prendre des mesures, mais il est vital de mettre en place des politiques plus contraignantes pour favoriser une réduction. Si les diminutions dans les secteurs des combustibles fossiles et des déchets sont les plus réalisables, il est également crucial de s’attaquer aux émissions agricoles. Le réchauffement climatique augmente les émissions naturelles de méthane, ce qui rend plus urgente une baisse rapide des émissions d’origine humaine.

La réduction de la pollution atmosphérique a des implications pour ce qui concerne l’atténuation et l’adaptation, compte tenu des interactions complexes entre les aérosols et le climat. La diminution de la pollution atmosphérique a grandement amélioré la santé publique, mais a simultanément révélé toute l’ampleur du réchauffement causé par les émissions historiques de gaz à effet de serre, et a par ailleurs des implications régionales pour ce qui concerne les précipitations et les événements extrêmes. Ainsi, les interactions entre les aérosols et le climat doivent nécessairement être prises en compte dans les stratégies d’atténuation et d’adaptation.

L’augmentation de la chaleur rend une plus grande partie de la planète inhabitable. L’augmentation de la chaleur et de l’humidité prive de plus en plus de personnes de conditions climatiques habitables. Plus de 600 millions de personnes sont ainsi déjà touchées et beaucoup d’autres risquent de l’être à mesure que le réchauffement se poursuit. Les plans d’action contre la chaleur, les systèmes d’alerte rapide et les mesures ciblées pour les groupes vulnérables sont une priorité pour l’adaptation dans les régions les plus touchées.

Les extrêmes climatiques nuisent au bien-être maternel et reproductif. Les changements climatiques accroissent les risques pour les femmes enceintes, les enfants à naître et les nourrissons, menaçant des décennies de progrès en matière de santé maternelle et reproductive. Ces effets sont exacerbés dans les contextes caractérisés par des niveaux élevés de pauvreté et des normes sexospécifiques bien ancrées. Les interventions efficaces doivent être intégrées à des efforts plus larges visant à promouvoir l’équité entre les sexes et la justice climatique.

Le phénomène El Niño – Oscillation australe et la circulation méridienne de retournement atlantique suscitent des préoccupations alors que l’océan devient de plus en plus chaud. Le réchauffement sans précédent des océans depuis 2023 a renforcé les inquiétudes concernant les interactions à grande échelle entre l’océan et l’atmosphère. De nouvelles recherches mettent en évidence le risque d’événements El Niño plus extrêmes et plus coûteux dans le cadre du changement climatique, et même la menace qui pèse sur la stabilité de la circulation méridienne de retournement atlantique, qui a des répercussions considérables sur le climat et les sociétés.

La diversité bioculturelle peut renforcer la résilience de l’Amazonie face au changement climatique. L’Amazonie doit affronter les menaces croissantes du changement climatique et de la déforestation, qui rapprochent la forêt tropicale humide des seuils critiques et augmentent le risque d’un effondrement à grande échelle. Les actions régionales et locales visant à préserver la diversité écologique et bioculturelle peuvent renforcer la résistance de la forêt au changement climatique. Toutefois, ces efforts ne suffiront pas à sauvegarder l’Amazonie si les émissions mondiales ne diminuent pas rapidement.

Les infrastructures critiques sont de plus en plus exposées aux dangers climatiques, avec un risque de perturbations en cascade dans les réseaux interconnectés. Les infrastructures critiques qui sous-tendent le fonctionnement de toutes les sociétés sont de plus en plus vulnérables à des risques climatiques plus fréquents et plus intenses, et les systèmes interconnectés présentent un risque d’effets en cascade. Les outils d’intelligence artificielle (IA) peuvent améliorer la résilience des infrastructures critiques face aux changements climatiques.

De nouveaux cadres favorisant un développement résilient face au climat dans les villes fournissent aux décideurs des idées pour générer des cobénéfices. Peu de villes ont intégré efficacement des stratégies d’atténuation et d’adaptation dans leurs plans d’action pour le climat. Une approche fondée sur les systèmes socio-technico-écologiques peut aider à orienter le développement de la résilience climatique en maximisant les cobénéfices et en minimisant les compromis grâce à des stratégies adaptées au contexte unique de chaque ville.

Combler les lacunes en matière de gouvernance dans la chaîne de valeur mondiale des minéraux de la transition énergétique est essentiel pour une transition juste et équitable. Avec la demande accrue de minéraux pour la transition énergétique, les risques liés à la chaîne d’approvisionnement, les tensions géopolitiques et les impacts socio-environnementaux concentrés dans les pays de l’hémisphère sud devraient s’intensifier. Une transition juste, qui évite aux pays du Sud d’avoir à supporter des charges plus lourdes tout en bénéficiant de moins d’avantages, constitue un défi majeur en matière de gouvernance.

L’acceptation des politiques climatiques (ou la résistance à celles-ci) par le public dépend essentiellement de sa perception de leur équité. L’équité perçue est un facteur déterminant de l’acceptation des politiques climatiques par le public. Le fait de ne pas tenir compte des préoccupations des citoyens nuit à l’efficacité de l’action climatique et alimente la résistance. Une prise de décision participative et des plans d’utilisation des revenus clairement communiqués peuvent aider à surmonter les facteurs socio-économiques structurels qui génèrent une résistance aux politiques climatiques.

INTRODUCTION

Les années 2023 et 2024 ont pulvérisé les records mondiaux de température. L’année dernière a été la plus chaude jamais enregistrée. La moyenne mondiale s’est élevée à 1,45 °C (± 0,12 °C) de plus qu’à l’ère préindustrielle (1850-1900)[1]. Cette tendance s’est poursuivie en 2024[2] : de juin 2023 à juin 2024, chaque mois a établi un nouveau record de température moyenne pour le mois concerné. On a vu s’établir de nouveaux records de température de la surface de la mer pendant 14 mois consécutifs (avril 2023 à mai 2024). En août 2024, la température mondiale a dépassé de 1,51 °C les niveaux préindustriels. Il est très probable que 2024 devienne l’année la plus chaude jamais enregistrée. Un tel réchauffement et les changements climatiques d’origine anthropique ont augmenté l’occurrence et l’intensité de phénomènes météorologiques extrêmes dans le monde entier[3]. Citons en outre la plus grosse saison de feux de forêt jamais enregistrée au Canada (deux fois plus probables), les vagues de chaleur meurtrières en Asie du Sud et du Sud-Est (30 fois plus probables) et les précipitations extrêmes autour de la méditerranée, qui ont provoqué des inondations dévastatrices en Libye (50 fois plus probables et 50 % plus intenses).

Le premier bilan mondial, une évaluation complète des progrès réalisés vers les cibles de l’Accord de Paris, a été réalisé l’année dernière lors de la COP28, à Dubaï. Sa principale conclusion est que le monde est loin d’avoir atteint l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement à long terme à 1,5 °C. Le bilan appelle à l’abandon progressif des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques et à la fixation d’objectifs mondiaux convenus importants visant à tripler la capacité en énergies renouvelables et à doubler le taux d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030. Il contient toutefois des dispositions permettant de continuer à utiliser certains combustibles fossiles et ne prévoit pas d’échéancier pour leur élimination dans tous les secteurs. Les émissions mondiales d’ici 2030 doivent être inférieures de 28 % aux niveaux prévus par les politiques actuelles pour limiter le réchauffement à long terme à moins de 2 °C, et d’un ambitieux 42 % pour le limiter à 1,5 °C[4].

La COP28 a vu réaliser des progrès en matière d’adaptation, avec l’adoption du cadre des Émirats arabes unis de résilience climatique mondiale (FGCR), qui précise et opérationnalise l’objectif mondial d’adaptation (GGA), ainsi qu’en matière d’opérationnalisation du Fonds pour les pertes et dommages (LDF). Le FGCR manque toutefois d’indicateurs précis et mesurables, et il reste beaucoup à faire en ce qui concerne le financement et le cadre de mise en œuvre du LDF. Le déficit de financement actuel de l’adaptation est de 194 à 366 milliards de dollars américains l’an et se creuse en raison de flux financiers vacillants et de besoins d’adaptation en hausse[5]. La COP29, à Bakou, en Azerbaïdjan, mettra l’accent sur le financement des efforts en ce sens et l’adoption du nouvel objectif collectif quantifié comme priorité absolue. Un déblocage du financement à grande échelle en sera la mesure de réussite. Il permettrait des cibles d’atténuation et d’adaptation plus ambitieuses des nouvelles contributions déterminées à l’échelle nationale (CDN) prévues pour février 2025.

Les 10 nouvelles perspectives en sciences du climat, produit conjointement par Future Earth, The Earth League et le Programme mondial de recherches, est une revue annuelle des principales avancées récentes des sciences naturelles et sociales sur les changements climatiques. S’appuyant sur les réseaux de recherche mondiaux et diversifiés d’organisations partenaires, le rapport rassemble les contributions d’experts sur ces avancées pour présenter un ensemble de perspectives prioritaires, qui forment une ressource opportune et succincte pour tenir les décideurs et les négociateurs de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) au courant des derniers progrès de la recherche sur les changements climatiques dans divers domaines. Il ne s’agit pas d’un « top 10 » ou d’un classement selon un quelconque ordre d’importance; la sélection cherche à refléter l’étendue thématique de la recherche. Enfin, la mention des années 2024-2025 dans le titre vise à reconnaître que, bien que la recherche évaluée par les pairs qui sous-tend les perspectives ait été publiée en 2023-2024, la pertinence des répercussions politiques s’étend bien au-delà de cette période.

Les deux premières perspectives du rapport de cette année mettent en lumière les changements récents dans deux types d’émissions d’origine anthropique, qui ont des répercussions directes à court terme sur le réchauffement planétaire et le climat régional. Tout d’abord, la quantité de méthane dans l’atmosphère a bondi ces vingt dernières années, suivant des scénarios de réchauffement de 3 °C ou plus, surtout à cause d’émissions d’origine anthropique (perspective 1). Étant donné l’effet puissant du méthane et sa courte durée de vie dans l’atmosphère, la réduction de ces émissions à l’aide de technologies existantes est un moyen extrêmement rapide et efficace de limiter le réchauffement à court terme. Pourtant, on ne voit toujours pas les réductions promises, notamment à cause d’un manque de politiques contraignantes. En revanche, la teneur en aérosols dans l’atmosphère diminue dans certaines régions grâce à des politiques efficaces visant à améliorer la qualité de l’air (perspective 2). Cette tendance encourageante en santé publique a toutefois des conséquences à court terme sur le climat, vu l’effet de refroidissement net de certains aérosols et leurs effets différenciés selon les régions sur les précipitations et les phénomènes météorologiques extrêmes. Ces observations soulignent la nécessité de se doter de stratégies complètes qui tiennent compte de multiples polluants et de leurs interactions, et d’évaluations exhaustives des risques climatiques, dans le cas des aérosols, pour mieux planifier l’adaptation.

Des centaines de millions de personnes vivent dans des conditions climatiques hors de la plage d’habitabilité reconnue historiquement, et le réchauffement ne fera qu’accroître la population exposée (perspective 3). Il s’agit désormais d’une priorité indéniable pour planifier l’adaptation, en particulier dans les pays à faible revenu des régions tropicales. Les mesures d’adaptation doivent comprendre des dispositions qui ciblent divers groupes vulnérables. Les données s’amoncellent rapidement sur certains effets des changements climatiques, en particulier la chaleur extrême, sur les femmes enceintes et les nouveau-nés (perspective 4). Les systèmes d’alerte précoce sont une priorité de la coopération régionale, en conjonction avec des plans de préparation à la chaleur extrême aux échelons national et régional. La chaleur extrême se répercute sur la santé humaine et les moyens de subsistance, les écosystèmes et les infrastructures, ainsi que sur l’ensemble de l’économie. Les changements climatiques semblent accroître l’intensité des épisodes El Niño, ce qui risque d’entraîner des coûts économiques mondiaux se chiffrant en dizaines de billions de dollars américains d’ici la fin du siècle (perspective 5). Le rapport met en relief les perturbations possibles des infrastructures essentielles, la vulnérabilité de réseaux de plus en plus interconnectés et les moyens d’accroître leur résilience (perspective 7). La conception et la mise en œuvre de mesures d’adaptation solides dans les pays du Sud dépendront en grande partie de l’augmentation substantielle du financement de l’adaptation.

L’augmentation progressive des températures moyennes (et extrêmes) résultant de l’accumulation continue de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère pose de gros problèmes aux sociétés. Ces problèmes pâlissent pourtant en comparaison avec ceux qui découleraient de la perturbation de processus géophysiques clés opérant à l’échelle régionale et planétaire. De récentes études sur la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique révèlent un ralentissement et suggèrent la possibilité d’un effondrement beaucoup plus tôt que prévu (perspective 5), avec des conséquences catastrophiques, notamment en raison d’effets sur les températures et les régimes de précipitations à l’échelle régionale. De même, les défenses de la forêt amazonienne s’érodent, ce qui accroît le risque d’un effondrement à grande échelle. La protection et la restauration de la diversité écologique et bioculturelle de l’Amazonie sont essentielles pour renforcer la résilience de ses forêts et maintenir le cycle régional de l’eau (perspective 6). La réduction rapide des émissions de GES reste indispensable pour préserver la stabilité de ces processus écosystémiques.

Les dernières perspectives concernent la transition juste et l’urbanisme résilient. Les villes hébergent une part croissante de la population et sont au cœur de l’action climatique, pour l’atténuation de leur empreinte écologique comme pour l’adaptation. Planifier l’urbanisme résilient exige une approche holistique qui s’adapte aux diverses conditions socioéconomiques et environnementales (perspective 8). Dans leurs efforts pour réduire leurs émissions de GES et renforcer leur résilience, les villes doivent viser une transition juste et donc prêter attention à leur approvisionnement en minéraux de transition énergétique, essentiels aux technologies d’énergie propre, et à leur utilisation. La demande pour ces minéraux connaît une croissance rapide depuis qu’on commence à s’éloigner des combustibles fossiles. Il faudra améliorer la gouvernance au sein de leurs chaînes de valeur pour que la transition soit véritablement juste et globale (perspective 9). Pour ce qui est de mettre en œuvre des politiques climatiques et énergétiques nationales et régionales, on doit gagner l’acceptation des citoyens ou, du moins, éviter de susciter une résistance butée. L’équité perçue d’une politique joue fortement sur l’acceptation ou la résistance de la population (perspective 10), d’où l’importance de comprendre le contexte politico-économique de ces influences, ce qui est crucial à la conception et à la mise en œuvre efficaces des politiques.

Nous espérons que ces 10 nouvelles perspectives en sciences du climat 2024/2025 rejoindront les délégations participant à la COP29 à Bakou, en Azerbaïdjan, qu’elles éclaireront leurs positions et arguments et qu’elles se refléteront sous différentes formes dans l’issue des négociations :

  • Engagements financiers concrets pour renforcer grandement les mesures d’adaptation à la chaleur, en particulier pour les populations vulnérables, et soutenir la mise en œuvre mondiale de systèmes d’alerte précoce complets. Progrès dans l’ajout d’indicateurs précis et mesurables du stress thermique au cadre de résilience climatique mondiale.
  • Décision formelle encourageant les parties à intégrer des objectifs explicites et quantifiables de réduction des émissions de méthane dans les CDN et mécanisme de soutien pour aider les pays à élaborer ces objectifs et plans d’action. Une initiative ciblée ou un groupe de travail spécialisé chargé de faire des recommandations quant à l’intégration de considérations relatives aux aérosols aux futures CDN constituerait un pas positif vers des plans d’action climatique complets.
  • Renforcement et affinement du cadre du programme de transition juste (JTWP), avec des dispositions qui renforcent les efforts de gouvernance en vue d’harmoniser la gestion des minéraux de transition et leur approvisionnement aux principes de transition juste, en mettant l’accent sur l’équité, la durabilité et le partage des bénéfices le long de la chaîne de valeur. Il pourrait s’agir de guider les villes pour qu’elles suivent ces principes lors de la mise en œuvre de stratégies d’urbanisme résilient.
  • Établissement d’un nouvel objectif collectif quantifié solide en matière de financement, associé à un cadre net permettant aux pays de combler l’écart entre aspiration et mise en œuvre, ouvrant la voie à une intensification majeure de l’action pour le climat de la COP29 à la COP30.

La science derrière chacune des perspectives de ce rapport est détaillée, toutes références à l’appui, dans : Schaeffer, R., Schipper, E.L.F., et al. (2024). Ten New Insights in Climate Science 2024 (en anglais). Disponible sur le site : 10insightsclimate.science.


[1] United in science 2024. Compilé par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) : https://library.wmo.int/fr/records/item/69018-united-in-science-2024 (en anglais).

[2] Service Copernicus de l’UE sur les changements climatiques : https://climate.copernicus.eu/climate-bulletins (en anglais).

[3] World Weather Attribution : https://www.worldweatherattribution.org (en anglais).

[4] Rapport 2023 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions. PNUE : https://www.unep.org/fr/resources/rapport-2023-sur-lecart-entre-les-besoins-et-les-perspectives-en-matiere-de-reduction-des.

[5] Adaptation Gap Report 2023. PNUE : https://doi.org/10.59117/20.500.11822/43796 (en anglais).

LES PERSPECTIVES

1

1 – Les niveaux de méthane montent en flèche. Il est essentiel de mettre en place des politiques applicables de réduction des émissions

MESSAGES CLÉS

  • La quantité de méthane dans l’atmosphère a bondi depuis 2006. Les émissions croissantes d’origine humaine – combustibles fossiles, bétail et déchets – sont les principales responsables, suivis par des sources naturelles variables.
  • La réduction des émissions provenant des combustibles fossiles et de la gestion des déchets est le meilleur moyen de réduire l’augmentation des niveaux de méthane. Le secteur agricole, bien que plus difficile à réformer, présente lui aussi un important potentiel de réduction.
  • Les émissions naturelles de méthane ont augmenté en raison de boucles de rétroaction climatique. Sans action rapide pour réduire les émissions de GES d’origine humaine, ces sources naturelles de méthane – comme les milieux humides – risquent de continuer à croître, ce qui demandera de réduire plus avant la part des activités humaines.
  • On en sait assez sur les émissions de méthane pour agir, mais il est essentiel de mettre en place des politiques de réduction contraignantes.

L’augmentation des émissions de méthane, gaz puissant malgré sa courte durée de vie, est à l’origine d’une hausse de 0,5 °C des températures moyennes sur terre depuis la fin des années 1800. Les niveaux de méthane dans l’atmosphère ont atteint un plateau au début des années 2000, puis se sont remis à augmenter en 2006, les cinq dernières années accusant la hausse la plus rapide depuis le début des relevés. La réduction rapide et radicale des émissions anthropiques de méthane doit accompagner la réduction des émissions de CO2 en vue de respecter les cibles de réchauffement de l’Accord de Paris.

Afin d’élaborer une stratégie d’atténuation adéquate, il faut comprendre les principaux facteurs à l’origine de l’augmentation récente de la concentration de méthane. Les données indiquent une augmentation des émissions anthropiques, dont les probables sources premières sont le bétail et les déchets, puis la production et l’utilisation de combustibles fossiles, et enfin la réduction de l’élimination du méthane atmosphérique et l’augmentation des émissions des zones humides tropicales. Dans les années 2010, le méthane de source anthropique représentait environ deux tiers des émissions totales de méthane. Une grande incertitude subsiste : différents modèles et efforts de surveillance donnent différents résultats quant aux différentes sources, bien que les chiffres correspondant aux grandes catégories de sources et coïncident généralement. Les satellites ont permis de mieux comprendre les sources de méthane sur de vastes zones et de détecter les grandes émissions d’installations industrielles isolées, comme les mines de charbon, les lieux de production de pétrole et de gaz, et les gazoducs. Ceci, en plus de la modélisation et de l’échantillonnage accru de l’air pour analyse isotopique, trace une image plus nette des émissions des diverses sources, notamment les dépotoirs, les rizières et le bétail, ce qui oriente mieux les efforts et stratégies de réduction des émissions de méthane.

Plus réalisables sont les fortes réductions des émissions de méthane dans les secteurs des combustibles fossiles et de la gestion des déchets. Ces secteurs offrent aussi nombre de solutions rentables, qui améliorent l’efficacité et utilisent les technologies existantes. Dans le secteur des combustibles fossiles, un petit nombre de grandes sources intermittentes s’arrachent une part démesurée des émissions totales. On observe des amas d’émissions provenant d’installations pétrolières et gazières, de gazoducs et de mines de charbon de par le monde, notamment des panaches de méthane documentés en Algérie, en Chine, au Kazakhstan, en Russie, au Turkménistan et aux États-Unis, souvent à raison de dizaines de tonnes à l’heure. On détecte des émissions persistantes dans les dépotoirs, par exemple à Buenos Aires, à Delhi, à Lahore et à Mumbai, à raison de trois à 29 tonnes à l’heure. Le secteur agricole est la plus grande source de méthane d’origine anthropique (figure 1). Il est difficile de s’y attaquer, mais certaines solutions existent : aliments pour bétail à faibles émissions, gestion du fumier, régime alimentaire moins riche en viande d’élevage, réduction des déchets alimentaires. Les technologies émergentes permettant d’éliminer le méthane ou de l’oxyder en CO2 n’en sont qu’à leurs débuts. Il faudrait de gros efforts de développement, de mise à l’échelle et d’incitation pour qu’elles soient rentables.

Plusieurs sources de données permettent d’estimer qu’il y a eu, des années 2000 à 2010, une augmentation totale de l’ordre des 4 % à 6 % des émissions de source naturelle, notamment dans les zones humides tropicales. L’augmentation pourrait aussi toucher les régions tempérées et arctiques, mais on n’a pas encore assez de données pour déterminer les tendances. Il est difficile de contrôler les sources naturelles de méthane. Si elles continuent à croître, il faudra réduire davantage les émissions de GES d’origine humaine. À l’échelle mondiale, on s’attend à ce que les boucles de rétroaction climatique amplifient les émissions de source naturelle, mais nombre de modèles du système planétaire et d’évaluation intégrée n’incluent pas encore ces boucles ou présentent de grandes incertitudes dans la représentation des sources de méthane. Les émissions futures dans un monde en réchauffement seraient ainsi sous-estimées, ce dont les scénarios d’atténuation complets devront tenir compte. On en sait assez sur les sources de méthane et on a les capacités de surveillance suffisantes pour agir de façon prompte et efficace. On a la preuve que la réduction des émissions de méthane est réalisable, mais comme seuls 13 % de ces émissions sont actuellement visées par des politiques d’atténuation, une action plus forte et plus cohérente s’impose pour inverser la tendance. Le pacte mondial sur le méthane (GMP), signé par 158 pays, a pour objectif de réduire de 30 % les émissions de méthane par rapport aux niveaux de 2020 d’ici 2030. Cette initiative volontaire a fait progresser l’institutionnalisation de la déclaration des émissions de méthane, mais pour atteindre les cibles du pacte et de l’Accord de Paris, des progrès dans la mise en œuvre s’imposent de toute urgence.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • L’augmentation du méthane atmosphérique nous éloigne directement des cibles de l’Accord de Paris. Une forte réduction des émissions dues à l’activité humaine est impérative à court terme. Cette réduction est en grande partie réalisable grâce aux technologies existantes, notamment dans les secteurs des combustibles fossiles et de la gestion des déchets, et souvent à coût modique.
  • Le pacte mondial sur le méthane (GMP) est un grand pas collectif dans la bonne direction, mais les politiques d’atténuation ne visent actuellement que 13 % des émissions de méthane. Parmi les développements juridiques positifs, citons une disposition de l’agence américaine de protection de l’environnement et le règlement de l’UE de 2024 sur les émissions de méthane dans le secteur énergétique. On devrait étendre ce genre de réglementation et de mécanismes de tarification contraignants à d’autres régions et secteurs économiques.
  • Il faut continuer à investir dans des mécanismes améliorés de suivi et de déclaration transparente afin de concentrer les efforts et de suivre les progrès accomplis. L’Observatoire international des émissions de méthane (IMEO) joue un rôle clé en tant que principal partenaire de mise en œuvre du GMP.
  • À la COP29, le programme de travail sur l’atténuation (MWP) pourrait faire du méthane une priorité, conformément à son mandat d’action à court terme et de mise en œuvre pressante. Le MWP peut faire connaître et diffuser les outils et solutions d’atténuation et stimuler l’adoption et la mise à l’échelle des approches qui ont fait leurs preuves. Le rapport méthodologique du GIEC (RE7) sur les agents de forçage climatique de courte durée de vie, attendu en 2027, fournira des orientations cruciales en la matière.
  • La prochaine série de contributions déterminées à l’échelle nationale (CDN) devrait aborder les émissions de méthane séparément par le biais de plans d’action complémentaires et d’objectifs et de stratégies propres à chaque secteur afin d’accroître la transparence et les aspirations. Adoptée lors de la COP28, la Déclaration des Émirats arabes unis sur l’agriculture durable, les systèmes alimentaires résilients et l’action climatique, qui engage ses 159 pays signataires à intégrer l’agriculture et les systèmes alimentaires dans leurs CDN d’ici 2025, est un pas positif à cet égard. En outre, la présidence de la COP29 a proposé une déclaration sur la réduction des émissions de méthane provenant des déchets organiques, en vue d’engagements de CDN « compatibles avec la cible de 1,5 °C » dans ce secteur. Dans le secteur des combustibles fossiles, la charte de décarbonation du pétrole et du gaz vise à l’élimination quasi totale des émissions de méthane en amont d’ici 2030.
  • Diverses mesures peuvent grandement réduire les émissions dans le secteur alimentaire et agricole : réduction des déchets alimentaires, aliments pour bétail à faibles émissions, gestion du fumier, régime alimentaire moins riche en viande d’élevage. La réduction des pâturages appuie les mesures de réduction du CO2 que sont l’afforestation et la bioénergie avec captage et stockage du carbone (BECCS), qui exige des terres supplémentaires. On peut réduire les émissions des rizières en enlevant la paille et en inondant de façon discontinue.
  • Comme le réchauffement climatique fera augmenter les émissions naturelles de méthane, il faudra faire d’autres recherches pour mieux surveiller ces émissions, en particulier dans les régions où l’on a peu de données, ce qui requiert d’étendre les réseaux d’observation et d’améliorer la collecte de données et la collaboration internationale.
Représentation visuelle des émissions annuelles de méthane par source (moyenne de 2010 à 2019)
Figure 1. Émissions annuelles de méthane par source (moyenne de 2010 à 2019)
Estimation faite à l’aide de méthodes intégratives descendantes (en haut à gauche) et ascendantes (en haut à droite). Les plages d’incertitude figurent entre crochets. Données adaptées de Saunois et coll. (2024). En bas : Tendances 1983-2024 du niveau de méthane atmosphérique mondial (NOAA); la zone ombrée indique la décennie pour laquelle on ventile les sources.

2

2 – La réduction de la pollution atmosphérique a des implications pour ce qui concerne l’atténuation et l’adaptation, compte tenu des interactions complexes entre les aérosols et le climat

MESSAGES CLÉS

  • La réduction de la pollution atmosphérique a grandement amélioré la santé publique dans plusieurs régions, mais a aussi réduit l’effet net de refroidissement des aérosols sur le climat. Le « masque » des aérosols ainsi partiellement levé, on voit mieux le plein effet des émissions de GES accumulées sur le réchauffement.
  • Les variations de la teneur en aérosols dans l’atmosphère auront des effets régionaux variables sur la température, les précipitations et l’occurrence de phénomènes météorologiques extrêmes selon le lieu des sources d’émissions, avec des effets locaux et distants.
  • Des avancées dans la compréhension scientifique de l’influence des aérosols sur les effets mondiaux et régionaux des changements climatiques aideront à définir des objectifs d’atténuation et des plans d’adaptation éclairés.

Les aérosols sont de minuscules particules de pollution atmosphérique émises par la circulation routière, les incendies, etc., qui ont une forte incidence sur le climat mondial et régional. Les particules en suspension dans l’air d’une taille et d’une origine données représentent la plus grande menace environnementale à la santé dans le monde. Des recherches récentes montrent que l’évolution rapide des émissions d’aérosols dans les premiers kilomètres de l’atmosphère (la troposphère) influence les changements climatiques observés différemment de celle des GES (figure 2).

En gros, les émissions de GES de l’ère industrielle font augmenter la température moyenne mondiale et les précipitations totales; les aérosols, à l’inverse, refroidissent et assèchent légèrement la planète. Les effets des aérosols s’avèrent toutefois beaucoup plus complexes que ceux des GES. En raison de leurs différentes formes et de leurs nombreuses interactions avec d’autres variables atmosphériques, les aérosols peuvent refroidir ou réchauffer l’atmosphère. Leur temps de séjour dans l’atmosphère est considérablement plus court que celui du CO2, ce qui leur confère une empreinte distinctive, tant près que loin du lieu d’émission. Les aérosols ont donc un effet beaucoup plus important que le CO2 à l’échelle locale et régionale, et leur effet de refroidissement est à plus court terme que le réchauffement induit par le CO2, qui est bien mélangé.

Des observations récentes révèlent à quel point les aérosols peuvent modifier les effets du réchauffement climatique. Selon la région et le type d’aérosol, ils influencent la température, les précipitations et la circulation mondiale et régionale, et peuvent donc entraîner de fortes répercussions sociales, notamment des phénomènes météorologiques extrêmes.

Ces dernières décennies, la teneur en aérosols a diminué dans de nombreuses régions du monde grâce à des politiques efficaces de réduction de la pollution atmosphérique, comme en Asie de l’Est; en revanche, elle continue d’augmenter dans d’autres régions, comme en Asie du Sud (figure 2). La recherche sur les changements récents des émissions d’aérosols nous en dit long sur les effets à distance des aérosols sur le climat, notamment sur les schémas de circulation : l’émission d’aérosols ne se répercute pas seulement sur les régions à proximité des sources, mais aussi sur les régions distantes.

Au-delà de ces effets différenciés, des recherches basées sur les données satellitaires ont permis de quantifier l’effet des changements dans la teneur en aérosols sur le bilan radiatif et de le mettre en relation avec les effets radiatifs des changements de la concentration de CO2 pour la même période. Parallèlement, la vitesse de réchauffement de la planète a augmenté. On soupçonne que la réduction de la teneur en aérosols « démasque » partiellement l’effet de réchauffement total des GES accumulés. Les résultats récents confirment ce que l’on savait déjà sur cet effet de (dé)masquage, permettent de le quantifier et de réduire les incertitudes.

Cet effet de démasquage risque de compromettre les effets positifs de la réduction du CO2 sur le réchauffement futur dans les scénarios carboneutres. On pourrait voir un réchauffement temporairement plus rapide, avec l’effet correspondant sur la société.

D’autres nouvelles recherches ont étudié les émissions des navires, le carbone noir, le démasquage différé des régions polluées et la sous-estimation possible de la teneur en aérosols d’origine anthropique, qui, dans une certaine mesure, sont entrés dans le débat public. Toutes les études soutiennent l’idée générale selon laquelle la lutte contre le réchauffement climatique passe par une réduction rapide et radicale des émissions anthropiques de GES.

D’autres recherches s’imposent pour mieux quantifier les effets des aérosols sur le climat, notamment en ce qui concerne les interactions entre les aérosols, les particules nuageuses et les précipitations. Malgré la complexité du rôle des aérosols dans le système climatique et les incertitudes qui subsistent, on s’accorde pour dire qu’ils ont une influence décisive sur la rapidité et la nature des changements climatiques dans différentes régions et sur les phénomènes extrêmes et composés. Il en résulte des implications vitales en ce qui concerne l’adaptation et les discussions sur les pertes et dommages. Les décideurs devront donc tenir compte des derniers constats sur les aérosols en s’appuyant sur les meilleures données climatiques régionales disponibles et le savoir des experts. Continuer à réduire les émissions anthropiques d’aérosols favorisera la santé et sauvera directement des vies, tout en étant bénéfique pour le climat et l’environnement, mais amplifiera le réchauffement climatique et risque d’amplifier les changements dans les précipitations et les phénomènes extrêmes dans de nombreuses régions. L’action pour le climat doit donc à tout prix tenir compte des effets des changements dans la teneur en aérosols à même les stratégies d’adaptation et d’atténuation.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • Les progrès dans la compréhension scientifique de l’incidence des aérosols sur le climat, et plus précisément sur la température de surface, se répercutent sur l’envergure des objectifs de réduction des émissions de GES alignés sur les cibles de l’Accord de Paris. Bien que le programme de travail sur l’atténuation (MWP) n’aborde pas explicitement les effets de l’évolution de la teneur en aérosols, les nouvelles connaissances scientifiques suggèrent qu’il s’agit là d’un élément important pour la planification exhaustive de l’atténuation, et qu’il relève donc de son mandat. Le MWP pourrait jouer un rôle clé dans la diffusion des connaissances sur cette question.
  • De même, bien que les contributions déterminées à l’échelle nationale (CDN) ne tiennent pas compte des effets de l’évolution de la teneur en aérosols, les nouvelles connaissances scientifiques pourraient justifier leur inclusion à l’avenir. La connaissance de l’incidence des aérosols sur les changements climatiques régionaux (y compris les tendances de précipitations et de phénomènes météorologiques extrêmes) devrait également éclairer la planification de l’adaptation, reflétée dans les plans nationaux d’adaptation (PNA).
  • Vu la complexité des interactions aérosols–climat, il serait important de coordonner les efforts internationaux, comme on l’a fait pour le méthane, afin de bien intégrer les aérosols aux plans d’action globaux. Une première étape pourrait être une initiative ciblée ou un groupe de travail spécialisé chargé de faire des recommandations quant à l’intégration de considérations relatives aux aérosols aux plans d’action. Le rapport méthodologique du GIEC (RE7) sur les agents de forçage climatique de courte durée de vie, attendu en 2027, fournira des orientations cruciales en la matière.
  • On peut réduire les émissions de GES et la pollution atmosphérique simultanément. Par exemple, augmenter le piégeage du carbone dans le sol par l’ajout de biomasse peut réduire le brûlage des résidus agricoles. De même, l’octroi de subventions pour des fours à mode de cuisson propre a favorisé l’abandon du bois de chauffage et du charbon de bois. Il faut communiquer clairement les avantages conjoints pour la santé et le climat afin de favoriser l’adoption de ces pratiques.
  • Les recherches en cours amélioreront les prévisions concernant les effets sur le climat régional des changements dans les émissions et la teneur en aérosols et permettront de mieux les quantifier, ce qui peut éclairer la prise de décision. Établir et renforcer les mécanismes de surveillance de la qualité de l’air et améliorer la diffusion et la transparence des données est utile à la recherche scientifique et à la prise de décision.
Représentation visuelle des changements récents dans la teneur en aérosols, sources d’émissions et exemples d’effets à distance. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 2. Changements récents dans la teneur en aérosols, sources d’émissions et exemples d’effets à distance.
Changements récents dans la teneur en aérosols (différence entre les moyennes de la période 2014-2023 et de la période 2004-2013), quantifiée en profondeur optique des aérosols. Principales sources d’émissions d’aérosols responsables des changements observés. Incidence (locale et à distance) des changements dans la teneur en aérosols en Europe, en Asie de l’Est et en Asie du Sud. Modifié à partir de Persad et coll. (2023).

3

3 – L’augmentation de la chaleur rend une plus grande partie de la planète inhabitable

MESSAGES CLÉS

  • L’augmentation de la chaleur et de l’humidité due aux changements climatiques pousse de plus en plus de gens hors des conditions climatiques idéales pour la physiologie humaine. Actuellement, environ 600 millions de personnes vivent hors des conditions climatiques habitables. On estime que pour chaque degré de réchauffement à venir, 10 % de la population mondiale les rejoindra.
  • Certaines régions, concentrées dans les pays du Sud, sont plus exposées que d’autres à la chaleur et à l’humidité extrêmes. Ces régions tendent à ne pas disposer des infrastructures d’adaptation (p. ex., climatisation) qui pourrait y soutenir l’habitabilité.
  • Les plans d’action contre la chaleur et les systèmes d’alerte précoce deviendront de plus en plus importants comme stratégie de préparation pour les pays et régions les plus touchés. Certaines mesures s’imposeront pour protéger les groupes particulièrement vulnérables (travailleurs extérieurs, personnes âgées, femmes enceintes, enfants, etc.).

L’humanité s’est épanouie dans une plage étonnamment étroite de conditions climatiques, ou « niche climatique » qui, selon des données archéologiques et des reconstructions du climat remontant jusqu’à 6 000 ans, a une température annuelle moyenne d’environ 13 °C et des précipitations d’environ 1 000 mm par an. Aujourd’hui, l’augmentation de la température et de l’humidité provoquée par les changements climatiques anthropiques menace de modifier les régions qui offrent ces conditions. Selon une étude récente, le réchauffement d’environ 1 °C déjà observé a poussé plus de 600 millions de personnes hors de la niche climatique humaine. Chaque degré de plus modifiera davantage les conditions d’habitabilité et viendra ajouter 10 % de la population mondiale à ce nombre (figure 3).

Des températures moyennes plus élevées, qui sont également liées à une augmentation de la durée et de l’intensité des vagues de chaleur, peuvent entraîner divers troubles : accidents vasculaires cérébraux, maux de tête graves, lésions des organes vitaux, diminution de l’activité métabolique, troubles mentaux, complications obstétricales (voir encadré 4), complications rénales et urinaires, mort. Les vagues de chaleur sont particulièrement dangereuses en présence d’une forte humidité. Des études récentes soulignent que la capacité physique à tolérer la chaleur diminue avec l’augmentation de l’humidité. C’est donc beaucoup plus de régions (et leurs habitants) que prévu qui seront exposés au stress thermique. Outre les effets directs sur la santé humaine, l’exposition accrue à la chaleur réduit aussi l’habitabilité en perturbant l’agriculture. La fréquence accrue des phénomènes météorologiques extrêmes, notamment des vagues de chaleur, a de fortes répercussions sur l’insécurité alimentaire. Les épisodes El Niño (voir perspective 5) exacerbent les vagues de chaleur, ce qui affecte grandement la production agricole et animale, notamment en Afrique australe et en Australie, comme cela s’est produit en 2015-2016 et en 2023-2024.

À l’avenir, de nombreuses régions verront augmenter la fréquence, la durée et l’ampleur des vagues de chaleur, en plus des températures moyennes plus élevées. L’Asie du Sud et le golfe Persique connaissent déjà des chaleurs mortelles alors que le réchauffement de la planète approche 1,5 °C. Les analyses mondiales prévoient qu’en général, la chaleur extrême se concentrera dans les régions de basse latitude et affectera donc les pays du Sud de façon disproportionnée (figure 3). Les effets de la chaleur seront non seulement inégalement répartis à l’échelle mondiale, mais aussi à l’échelle locale dans les régions touchées. Les travailleurs extérieurs, les personnes âgées, les jeunes enfants, les personnes souffrant de maladies préexistantes ou de troubles cognitifs ou physiques sont particulièrement vulnérables dans des conditions de chaleur et d’humidité extrêmes. Les effets de la chaleur varient selon le contexte. Les villes, par exemple, deviennent plus chaudes que les zones rurales en raison de l’effet d’îlot de chaleur urbain.

L’humanité a adopté toute une gamme de mesures d’adaptation individuelles, sociales et structurelles qui permettent de vivre en dehors de la niche climatique idéale. De plus en plus de régions se situant hors de celle-ci, ces mesures deviendront cruciales. Comprendre les effets de la chaleur et de l’humidité accrues sur l’habitabilité permet d’élaborer des stratégies d’adaptation proactives selon les prévisions climatiques. Un accès facilité aux espaces verts urbains ou aux espaces climatisés (voir perspective 7) peut réduire considérablement l’exposition à la chaleur à long terme; des plans de lutte contre la chaleur et un solide système de santé améliorent la préparation aux épisodes de chaleur extrême. Il est possible de bien vivre en présence d’un stress thermique accru, mais les mesures d’adaptation nécessaires sont actuellement réparties de façon très inégale. Les pays à faible revenu du Sud, qui seront les plus touchés par l’augmentation de la chaleur, sont mal préparés. La pauvreté dans ces pays reste un facteur prédictif important de l’exposition à la chaleur et de l’incapacité à bien s’adapter. Selon les trajectoires actuelles, l’augmentation de la chaleur et le déplacement de la niche climatique humaine affecteront de façon disproportionnée des communautés déjà vulnérables. Au-delà des décès, la chaleur prévue causera des pressions accrues sur les services de santé, réduira la productivité et amplifiera la souffrance générale.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • Face à l’augmentation de la chaleur et de l’humidité, il est impératif et urgent d’élaborer et de mettre en œuvre des plans d’action contre la chaleur ou d’autres stratégies du même genre, à tous les échelons, pour se préparer aux vagues de chaleur extrême, ce qui pourrait sauver des dizaines de milliers de vies chaque année. Ces plans d’action comprennent notamment des dispositions relatives aux soins de santé et à l’urbanisme, des modifications à la réglementation du travail et dans les établissements scolaires, ainsi que des changements de comportement au sein des ménages.
  • Le cadre de résilience climatique mondiale pourrait intégrer des cibles et des indicateurs liés à la préparation à la chaleur extrême et faire ressortir l’importance des plans d’action et des systèmes d’alerte précoce dans ses recommandations pour les plans nationaux d’adaptation, conformément à ce que recommande l’appel à l’action contre la chaleur extrême de 2024 des Nations Unies.
  • Autres considérations de préparation à la chaleur :
    • Certains segments de la population – personnes âgées, enfants, femmes enceintes, personnes souffrant de maladies préexistantes et, plus généralement, personnes vivant dans la pauvreté – sont particulièrement vulnérables et ont besoin de dispositions ciblées (voir perspective 4).
    • Il faut tenir compte de l’humidité, et non seulement de la chaleur absolue, lorsque l’on envisage les conséquences de l’exposition à court et à long terme.
    • Outre les épisodes de chaleur extrême, la planification de l’adaptation doit tenir compte des effets de l’augmentation de la température à long terme. Il faut donc prévoir des dispositions pour de nouvelles infrastructures, des ajustements aux codes de construction et un plan à l’échelle de la ville, entre autres.
    • La préparation touchera également l’infrastructure énergétique (demande accrue), la sécurité alimentaire (effets sur l’agriculture), l’approvisionnement en eau et la cohésion sociale (immigration rapide sans stratégies d’intégration appropriées).
Représentation visuelle de l'augmentation de l’exposition à la chaleur prolongée selon différents scénarios de réchauffement climatique. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 3. Augmentation de l’exposition à la chaleur prolongée selon différents scénarios de réchauffement climatique.
Carte des risques actuels liés à la chaleur et à l’humidité pour l’humain avec, en médaillon, des prévisions de changements liés à la chaleur et à l’humidité. Mappemonde des heures chaudes annuelles (pour un réchauffement de 1,5 °C) et prévisions pour l’Afrique de l’Ouest et l’Asie du Sud (pour un réchauffement de 1,5 °C, de 2 °C, de 3 °C et de 4 °C) (Vecellio et coll., 2023). Encadré du bas : Prévision de la fraction de l’humanité exposée à des températures sans précédent (Lenton et coll., 2023). Population (%) exposée à une chaleur sans précédent (température annuelle moyenne ≥ 29 °C) pour différentes distributions de population : 6,9 milliards (vert), 9,5 milliards (bleu) et 11,1 milliards (gris).

4

4 – Les extrêmes climatiques nuisent au bien-être maternel et reproductif

MESSAGES CLÉS

  • Les risques croissants de maladie et de lésion pour les femmes enceintes, les fœtus et les nouveau-nés liés aux changements climatiques menacent d’inverser les progrès réalisés au cours des dernières décennies en matière de santé maternelle et reproductive.
  • Des normes sexospécifiques profondément ancrées et de faibles niveaux de revenu et d’éducation amplifient davantage les effets des changements climatiques sur la santé maternelle et reproductive. L’intervention visant à limiter les effets négatifs devra donc intégrer des approches transversales visant à promouvoir l’équité et la justice entre les sexes.

La santé maternelle et reproductive (SMR) est un élément important dans la lutte contre les effets sexospécifiques des changements climatiques, qui se répercutent directement et indirectement sur les femmes enceintes, avec des conséquences plus graves dans les régions vulnérables où l’accès aux ressources est limité (figure 4) : fausses couches, naissances prématurées, affections maternelles graves, effets cognitifs sur l’enfant, etc. La réponse stratégique reste insuffisante. Seules 27 des 119 contributions déterminées à l’échelle nationale (CDN) font référence à la santé maternelle et néonatale, sexuelle et reproductive. Il y a des lacunes dans la formation et l’enseignement supérieur sur les changements climatiques et la santé, ainsi qu’une préparation limitée des services de santé et des filets de sécurité sociale pour faire face à ces problèmes. Si les recherches actuelles montrent des liens étroits entre les changements climatiques et la SMR, les interactions ne sont pas encore claires, et les recherches dans les régions les plus vulnérables sont sous-représentées. Il est donc difficile de comprendre pleinement l’ampleur du problème. Faute de combler ces lacunes, on risque d’inverser les progrès réalisés en ce sens au cours des dernières décennies. On lance des appels urgents pour accroître la sensibilisation et catalyser l’action mondiale, notamment le récent appel à l’action Protecting maternal, newborn and child health from the impacts of climate change (Protéger la santé maternelle, néonatale et infantile des effets des changements climatiques) publié par des organismes des Nations Unies en amont de la COP28.

Des études récentes soulignent l’inquiétude croissante que suscitent les effets des changements climatiques sur la santé maternelle et reproductive, en particulier dans les régions vulnérables. Par exemple, en Inde, une étude portant sur 800 femmes enceintes a révélé que près de 50 % d’entre elles avaient subi un stress thermique professionnel (travail extérieur au-delà du seuil de sécurité pour les travaux manuels). Elles couraient un risque de fausse couche deux fois plus élevé que les autres. On entrevoit des répercussions importantes pour les pays tropicaux, où des millions de femmes risquent d’être exposées à un stress thermique au travail. En Californie du Sud, des études ont révélé des corrélations importantes entre l’exposition à la chaleur à long terme et l’augmentation des complications à la naissance (mortinaissance, naissance prématurée), avec un risque accru chez les femmes moins scolarisées et qui ont moins accès aux espaces verts. Des recherches menées dans 33 pays d’Amérique du Sud, d’Amérique centrale, d’Asie et d’Afrique révèlent que les inondations pourraient y être responsables de plus de 107 000 fausses couches chaque année, avec un risque élevé pour les femmes ayant un faible niveau de revenu et d’éducation.

Les changements climatiques se répercutent aussi indirectement sur la SMR. La chaleur accrue peut réduire la disponibilité d’eau et d’aliments, obligeant les nouvelles mères à se déplacer plus loin dans la chaleur, ce qui retarde leur rétablissement après l’accouchement. L’insécurité alimentaire est liée à la malnutrition pendant la grossesse, à un poids inférieur à la naissance et à la production réduite de lait maternel. Des études font état d’une diminution de la fréquence de l’allaitement, d’une réduction des déplacements pour obtenir des soins médicaux et d’une moindre utilisation de moustiquaires en cas de chaleur extrême, autant d’éléments qui ont des répercussions sur la SMR. Des recherches menées dans trois pays d’Asie du Sud ont montré qu’une augmentation de 1 °C de la température annuelle moyenne se traduisait par une augmentation de 4,5 % de la violence conjugale. Les déplacements liés au climat sont associés à des soins de santé inadéquats, à une mauvaise nutrition, à un manque de repos, d’hygiène et de réseaux de soutien social, ainsi qu’à un risque accru de violence sexuelle. Même si cette section se concentre sur la chaleur extrême et les inondations, il faut rappeler que d’autres effets des changements climatiques, comme la pollution de l’air, continuent de menacer la SMR. Les solutions qui s’attaquent aux effets des changements climatiques sur la SMR ne peuvent être séparées des approches fondées sur la justice, les droits et l’équité de genre. Les femmes de couleur à faible revenu et peu scolarisées subissent plus fortement les effets des changements climatiques et ont un accès limité aux services de santé; elles font donc face à des problèmes de SMR de façon disproportionnée. Des normes sexospécifiques bien ancrées empêchent les femmes enceintes de modifier des pratiques dommageables (comme ramasser du bois de cuisson ou aller chercher de l’eau), même en cas de chaleur extrême. Le renforcement du droit des femmes à participer aux processus décisionnels contribuera à l’élaboration de politiques, de programmes et de normes visant à protéger la SMR des effets des changements climatiques.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • Alors que la santé est une composante prioritaire des plans nationaux d’adaptation (PNA) et des contributions déterminées à l’échelle nationale (CDN), la santé sexuelle, maternelle, reproductive et infantile reste dans l’angle mort, ce qui inquiète le réseau mondial des PNA et le Fonds des Nations unies pour la population.
    • La connaissance des risques croissants que les changements climatiques font peser sur les femmes enceintes, les fœtus et les nouveau-nés doit inciter les décideurs à inclure des dispositions à cet égard dans les nouveaux PNA.
    • Le cadre pour la résilience climatique mondiale (FGCR) pourrait reconnaître la santé maternelle et reproductive (SMR) comme un domaine de préoccupation clé de l’adaptation climatique et mettre l’accent sur les déterminants sociaux de la SMR qui recoupent les effets des changements climatiques (pauvreté, inégalité entre les sexes, accès limité aux soins de santé, etc.).
  • Des mesures axées sur la SMR s’ajoutent aux mesures de préparation à la chaleur dans les PNA suggérées à la perspective 3 :
    • Programmes de sensibilisation et d’éducation destinés aux groupes communautaires, comme les travailleurs en santé maternelle, les groupes de soutien aux femmes, les sages-femmes et les dirigeants locaux, sur les risques liés à la chaleur pour la SMR, y compris la détection des signes précoces de déshydratation.
    • Lignes directrices institutionnalisées en matière de travail visant à protéger les femmes enceintes en cas de conditions météorologiques extrêmes, assorties de mesures visant à garantir que ces lignes directrices ne nuisent pas à l’obtention ou au maintien d’un emploi.
Représentation visuelle des effets directs et indirects des changements climatiques sur la santé maternelle et reproductive. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 4. Effets directs et indirects des changements climatiques sur la santé maternelle et reproductive.
Les facteurs socioéconomiques dans un contexte donné amplifient davantage les effets. Pour renforcer la préparation et protéger la santé maternelle et reproductive dans un climat en mutation, les solutions doivent être fondées sur l’équité entre les sexes et la justice reproductive.

5

5 – Le phénomène El Niño – Oscillation australe et la circulation méridienne de retournement atlantique suscitent des préoccupations alors que l’océan devient de plus en plus chaud

MESSAGES CLÉS

  • Depuis 2023, on bat des records de température de surface de la mer (TSM), augmentant l’inquiétude de la communauté scientifique quant à de possibles répercussions sur les processus à grande échelle dans les océans et les interactions entre les océans et l’atmosphère. De nouvelles recherches sur les effets physiques du réchauffement climatique sur 1) l’oscillation australe El Niño (ENSO), provoquant éventuellement des épisodes El Niño plus extrêmes, et 2) la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique (AMOC), menaçant sa stabilité.
  • Les répercussions économiques d’El Niño sont bien plus graves qu’on ne le pensait : les pertes mondiales dues aux épisodes passés se chiffrent en billions de dollars américains. Les pertes économiques projetées dues à des épisodes El Niño plus fréquents et plus intenses pourraient atteindre 84 billions de dollars américains au cours du 21e siècle.
  • L’AMOC pourrait se rapprocher d’un ralentissement critique, voire d’un effondrement, beaucoup plus tôt que prévu. Les conséquences pour le climat mondial, les situations météorologiques et le bien-être humain seraient graves.
  • Les modèles climatiques actuels pourraient sous-estimer le réchauffement futur en raison de biais et de courts relevés d’observation. Il est essentiel de combler ces lacunes pour améliorer les prévisions, réaliser des évaluations des risques solides et élaborer des stratégies d’adaptation efficaces.

De nouvelles recherches révèlent deux menaces liées aux océans. Premièrement, le coût économique mondial des effets d’El Niño est beaucoup plus élevé qu’on ne le pensait, révélant des systèmes économiques et sociaux vulnérables aux changements océaniques. Deuxièmement, l’AMOC, un système clé de courants océaniques, pourrait ralentir ou s’effondrer plus tôt que ne le prévoyaient les modèles antérieurs. Ces deux phénomènes illustrent bien la grande vulnérabilité du bien-être des humains aux variations océaniques et la probabilité de telles variations à court terme.

Depuis le début de 2023, la TSM mondiale a atteint des niveaux sans précédent, battant des records non seulement dans le Pacifique tropical en raison d’El Niño, mais aussi dans l’Atlantique Nord, le golfe du Mexique, les Caraïbes et l’océan Austral. Même après le repli de l’épisode El Niño 2023-2024, la température est restée supérieure de près de 0,5 °C à la moyenne 1991-2020 jusqu’en juin 2024, au moment d’écrire ces lignes. Ces changements de la TSM et le phénomène El Niño qui y est associé ont des répercussions sociales et économiques importantes.

Bien que la physique de l’oscillation australe El Niño soit bien comprise, les sociétés y restent très vulnérables : les pertes économiques persistent au moins six ans après un épisode. De nouvelles recherches montrent que les effets des variations climatiques naturelles comme El Niño coûtent deux fois plus cher à l’économie mondiale qu’on ne le pensait, les épisodes passés ayant causé des pertes de plusieurs billions de dollars. Les épisodes El Niño de 1982-1983 et de 1997-1998 auraient entraîné à eux seuls des pertes mondiales de revenus de 4,1 et de 5,7 billions de dollars américains, respectivement (figure 5). Les épisodes de 1997-1998 et de 2015-2016 auraient, selon une autre étude, occasionné des pertes étonnantes de 2,1 et de 3,9 billions de dollars américains respectivement (figure 3). À titre comparatif, le produit intérieur brut (PIB) de l’Allemagne, troisième économie mondiale, avoisinait les 4 billions de dollars américains en 2022. Les coûts stupéfiants d’El Niño suggèrent que la société est mal adaptée à la variabilité actuelle de la température des océans, même sans compter le réchauffement planétaire. Les deux études suggèrent une augmentation considérable des pertes macroéconomiques avec les changements projetés. Selon une estimation, les futurs épisodes El Niño pourraient coûter 84 billions de dollars américains à l’économie mondiale, soit l’équivalent des 20 premières économies mondiales réunies, d’ici la fin du 21e siècle.

Des recherches récentes montrent que l’AMOC s’affaiblit en raison des changements induits par le réchauffement planétaire, et pourrait continuer à décliner au cours de ce siècle. Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avait estimé peu probable un effondrement de l’AMOC au cours du 21e siècle, mais les données suggèrent qu’il pourrait se produire plus tôt que prévu. Ensemble, les reconstructions climatiques passées, les observations modernes et les simulations de modèles indiquent le type de comportement du système et les signes précurseurs d’un ralentissement de la circulation et d’un effondrement potentiel. L’affaiblissement ou l’effondrement de l’AMOC aurait des répercussions importantes et complexes sur le climat, le niveau de la mer, les écosystèmes marins et, ultimement, les sociétés humaines. Des mesures de surveillance et d’atténuation s’imposent de toute urgence.

Pour comprendre les risques climatiques de ce siècle, il est essentiel d’évaluer la fiabilité des modèles climatiques et la qualité des observations. Les derniers modèles suggèrent des épisodes El Niño plus intenses, même avec des efforts d’atténuation importants (des incertitudes dues aux biais subsistent toutefois dans ces modèles, notamment en ce qui concerne la prévision de la TSM). Le réchauffement réel pourrait donc être encore plus important que ce que les prévisions antérieures laissaient présager pour le même scénario d’émissions. On doit chercher à combler l’écart entre les prédictions des modèles et les observations comme celles de la TSM, surtout en ce qui concerne les changements d’El Niño et de l’AMOC. Des modèles améliorés et des données d’observation plus longues et plus précises sont essentiels pour réduire l’incertitude et mieux se préparer et se protéger face aux risques climatiques futurs. Pour ce faire, la science doit pallier l’incertitude des prévisions. Il faut améliorer les modèles et bien comprendre l’effet de l’augmentation de la TSM. Les décideurs doivent reconnaître que certains risques échappent aux prévisions scientifiques exactes, mais ont de graves répercussions socioéconomiques et physiques. C’est là un élément essentiel de l’évaluation des risques qui sous-tend les plans d’atténuation et d’adaptation.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • Bien que les épisodes El Niño fassent partie de la variabilité naturelle du climat et se produisent à intervalle prévisible, l’ampleur et la persistance des pertes économiques qu’ils entraînent témoignent de la piètre adaptabilité de la plupart des économies à ces effets. Les effets d’El Niño, comme l’amplification des sécheresses, des inondations et de la chaleur extrême, reflètent les conséquences plus générales du réchauffement planétaire. Le renforcement de la capacité d’adaptation et de la résilience aux épisodes El Niño peut améliorer la préparation générale aux changements climatiques.
  • Les données scientifiques qui suggèrent des épisodes El Niño plus intenses en raison du réchauffement climatique (et leurs possibles répercussions économiques) doivent alerter les gouvernements sur l’importance d’incorporer ces connaissances au cadre de résilience climatique mondiale (FGCR). Cela devrait notamment se traduire par la définition d’objectifs concrets, d’indicateurs de progrès et de moyens de mise en œuvre, attendus d’ici 2025. Il est particulièrement important pour les pays tropicaux qui dépendent économiquement de leur secteur agricole d’inclure en priorité les effets d’El Niño à leurs plans nationaux d’adaptation.
  • Les conséquences macroéconomiques prévues de l’augmentation des effets d’El Niño selon la tendance actuelle du réchauffement climatique doivent raffermir l’urgence de combler le déficit de financement de l’adaptation, d’autant plus que le risque de pertes économiques accrues limite encore cette capacité de financement.
  • Les coûts exorbitants d’El Niño mettent en évidence le risque de perturbations sociales et économiques encore plus grandes si l’AMOC ralentit ou s’effondre, plongeant le climat dans un état sans précédent. Toutefois, l’éventualité et le moment d’un tel événement sont incertains.
  • La CCNUCC pourrait demander au GIEC de produire un rapport sur les phénomènes « à forte incidence et à faible probabilité », y compris les points de bascule climatiques, afin de fournir des orientations scientifiques claires aux décideurs.
  • Il faudra investir pour renforcer les capacités de surveillance des océans à long terme, dont des indicateurs clés pour l’ENSO et l’AMOC, améliorer la modélisation de la dynamique océan-atmosphère afin de réduire l’incertitude, améliorer les projections climatiques régionales et promouvoir l’intégration interdisciplinaire, en outre de l’analyse socioéconomique.
Représentation visuelle de la température de surface de la mer sans précédent, coûts d’El Niño et affaiblissement potentiel de l’AMOC. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 5. Température de surface de la mer sans précédent, coûts d’El Niño et affaiblissement potentiel de l’AMOC.
(A) Température moyenne journalière de la surface de la mer autour du globe, recueillie de janvier 1979 au 24 août 2024 (Service Copernicus de l’UE sur les changements climatiques). (B) Dommages économiques calculés comme variation du PIB après les épisodes El Niño. La ligne centrale indique la moyenne de la projection, la zone d’ombre représente l’intervalle de confiance à 95 % (Liu et coll., 2023; Callahan et Mankin, 2023). (C) Force historique de l’AMOC selon une combinaison de reconstructions et d’observations de la TSM moyenne annuelle (ligne continue rouge) et scénario de bascule potentiel de l’AMOC entre 2021 et 2200 (ligne pointillée grise). La zone ombrée représente la variabilité interannuelle et l’incertitude (van Westen et al., 2024).

6

6 – La diversité bioculturelle peut renforcer la résilience de l’Amazonie face au changement climatique

MESSAGES CLÉS

  • De multiples menaces pèsent sur l’Amazonie et conduisent à une dégradation des écosystèmes. Certains puits de carbone sont déjà en voie de se transformer en sources de carbone, et le cycle régional de l’eau est menacé de perturbation. Ces deux processus peuvent avoir de lourdes conséquences sur le climat régional et mondial.
  • En raison des changements climatiques, les forêts amazoniennes s’approchent de plusieurs seuils (de température, de précipitations et de saisonnalité), au-delà desquels des changements écologiques importants risquent de se déclencher et de provoquer un effondrement des forêts à grande échelle. La déforestation et la dégradation des forêts dues aux activités locales (exploitation forestière, expansion de l’agriculture) entraînent une fragmentation de l’habitat, ce qui affaiblit davantage la résilience face aux changements climatiques.
  • De fortes mesures d’atténuation sont indispensables pour réduire les effets des changements climatiques qui rognent la résilience des forêts, comme les feux et la sécheresse extrême. L’action locale et régionale qui préserve et accroît la diversité écologique et culturelle des forêts peut renforcer de façon cruciale leur résilience.

L’Amazonie est un système hétérogène complexe, façonné sur des dizaines de millions d’années et composé de différents types d’écosystèmes aquatiques et terrestres interconnectés. Elle abrite quelque 10 % de la biodiversité terrestre de la planète ainsi que plus de 400 peuples autochtones et communautés locales. En régulant la température et les précipitations et en piégeant le carbone, elle atténue les changements climatiques d’origine anthropique et, en recyclant de 16 % à 22 % de l’eau douce de la Terre, elle régule considérablement l’équilibre énergétique de la planète.

L’humain est toutefois en train de remodeler l’Amazonie. Il mine de plus en plus la résilience des systèmes biophysiques et sociaux par ses activités et leurs dérivés : exploitation forestière légale et illégale, expansion de l’agriculture, brûlage, infrastructures perturbatrices (barrages, routes), extraction non durable, augmentation de la population urbaine, hausse des températures et modification des régimes de précipitation.

On voit des signaux d’alerte : certaines zones de la forêt passent de puits à source de carbone, renforçant ainsi les changements climatiques. Des événements comme les inondations de 2020-2022 et la sécheresse de 2023-2024 qui a suivi ont ravagé les systèmes socioécologiques du bassin de l’Amazonie. On en a observé les répercussions sur les populations (déplacement, pénurie de transport, etc.) et les écosystèmes (baisse de productivité, etc.), mais elles s’étendent bien au-delà de la région, menaçant la sécurité de l’eau, de l’énergie et de l’alimentation à l’échelle locale et mondiale, et mettant en péril la stabilité de la forêt elle-même. On s’inquiète d’un possible effondrement systémique déclenché par des boucles de rétroaction et le franchissement de seuils critiques. Même si on atteindra sans doute d’abord des points de bascule à l’échelle locale ou régionale, un bouleversement à grande échelle de la forêt amazonienne pourrait bientôt suivre.

Accroître la résilience du bassin amazonien est essentiel pour réduire le risque de futures catastrophes écologiques et sociétales. La diversité du bassin amazonien est fortement liée à la résilience de l’écosystème (figure 6), notamment face aux perturbations mentionnées ci-dessus. Ces menaces, inégalement réparties dans l’espace et le temps, poussent le système vers différents seuils (température, précipitations, saisonnalité, durée de la saison sèche et déforestation) à différents rythmes. Les seuils de température influent sur l’efficacité de la photosynthèse, rapprochant la forêt de ses limites physiologiques. Une plus grande diversité de fonctions biologiques ou de rôles écologiques au sein de l’écosystème (diversité fonctionnelle) augmente la résilience de l’Amazonie face aux changements climatiques, d’où l’importance des plans de conservation et de restauration de la biodiversité.

Pour mettre fin aux pratiques environnementales et économiques qui détruisent l’Amazonie, il faut procéder à des changements locaux et régionaux concertés. La restauration à l’échelle régionale peut rétablir de grandes quantités de puits de carbone, freinant ainsi la boucle de rétroaction entre changements climatiques et dégradation des forêts. L’élaboration conjointe de plans de reforestation locale doit aussi viser à renforcer les économies rurales et à améliorer les revenus à long terme en autonomisant les communautés locales et les peuples autochtones. Il est essentiel de concevoir une économie qui valorise l’environnement. La diversité bioculturelle, notamment en ce qui concerne les pratiques de gestion des terres, est importante pour pérenniser les services écosystémiques et créer l’occasion d’améliorer les conditions de vie des populations rurales, forestières et urbaines qui font actuellement face à la pauvreté et à l’inégalité. Cette utilisation durable a une base large et diversifiée : activités traditionnelles des communautés forestières, agriculture familiale biodiversifiée et ensemble des parties prenantes des zones rurales. La protection de la forêt amazonienne est essentielle pour stabiliser le climat, mais les changements climatiques exacerbent déjà les incendies et les sécheresses. L’action locale et régionale visant à accroître la résilience de l’Amazonie en protégeant la diversité culturelle et écologique est cruciale, mais l’avenir de l’Amazonie dépendra ultimement d’efforts concertés de réduction des émissions de GES à l’échelle planétaire.

DANS LA MIRE : LUEURS D’ESPOIR SOCIOÉCOLOGIQUES

Malgré tout, des points socioécologiquement lumineux apparaissent en Amazonie. Des communautés autochtones et locales collaborent à des initiatives scientifiques et technologiques pour produire de nouveaux modèles de conservation de la biodiversité et du patrimoine culturel dans certaines zones, établissant ainsi des cas de conservation bioculturelle réussie. Les initiatives communautaires de conservation des zones protégées à usage durable – où les communautés locales sont habilitées à protéger leurs territoires contre la pêche, la coupe et la chasse illégales et ont une grande autonomie décisionnelle – se sont avérées efficaces pour préserver la diversité bioculturelle tout en améliorant les moyens de subsistance en Amazonie rurale. En agissant comme zones tampons contre la déforestation et la dégradation à grande échelle, les territoires autochtones et les zones protégées jouent un rôle crucial pour préserver la résilience et la biodiversité de l’Amazonie.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • À la COP28, le Brésil a souligné l’importance de l’Amazonie et a réitéré l’engagement de mettre fin à la déforestation d’ici 2030, initialement pris à la Déclaration des dirigeants de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres (COP26), plus de 100 pays rejoignant l’Engagement mondial sur le financement de la lutte contre la déforestation (12 milliards de dollars US en cinq ans). Le Brésil a notamment proposé la création d’un Fonds pour la pérennité des forêts tropicales, le Tropical Forests Forever Fund (TFFF), visant à mobiliser 250 milliards de dollars US par an pour la conservation des forêts tropicales. Centrée sur le financement de la lutte contre les changements climatiques, la COP29, à Bakou, devrait voir des progrès vers la mise sur pied de ce fonds, pour lequel le Brésil vise à disposer d’un mécanisme pleinement opérationnel d’ici la COP30, à Belém.
  • Les pays possédant des territoires amazoniens doivent renforcer leur capacité à appliquer la loi et les sanctions afin de contrôler les principaux facteurs de déforestation, notamment l’exploitation forestière et minière illégale qui menace les communautés autochtones et locales, ainsi que l’expansion de l’agriculture. Pour les communautés locales qui dépendent d’activités non durables, les gouvernements doivent promouvoir et soutenir l’adoption volontaire de stratégies de subsistance de rechange.
  • Il est essentiel d’assurer la continuité et le financement des programmes de surveillance du couvert forestier et de l’utilisation des forêts, notamment des outils d’observation de la Terre et de traçabilité des produits, pour élaborer les politiques, appliquer la loi et faire avancer la recherche fondamentale.
  • Il convient d’accorder la priorité au soutien des initiatives autochtones et locales en faveur d’un développement économique durable en synergie avec la protection et la restauration de la biodiversité. Un élan politique est né de la Déclaration de Belém, signée lors du sommet de l’Amazonie en 2023 par les huit pays qui se partagent l’Amazonie, dans laquelle ils s’engagent à coopérer régionalement pour stopper la déforestation et promouvoir une gestion durable des forêts, en faisant ressortir le savoir des Autochtones et en garantissant leurs droits territoriaux.
Représentation visuelle de la diversité biologique et culturelle de l’Amazonie qui renforce sa résilience face aux changements climatiques. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 6. La diversité biologique et culturelle de l’Amazonie renforce sa résilience face aux changements climatiques.
La déforestation et la dégradation des forêts en Amazonie réduisent la biodiversité et amplifient les changements climatiques en relâchant des stocks de carbone, créant ainsi une boucle de rétroaction. L’amélioration de la diversité biologique et culturelle de l’Amazonie renforce sa résilience et contribue à briser le cycle.

7

7 – Les infrastructures critiques sont de plus en plus exposées aux dangers climatiques, avec un risque de perturbations en cascade dans les réseaux interconnectés

MESSAGES CLÉS

  • Des menaces plus fréquentes et plus intenses pèsent sur les infrastructures essentielles, avec un fort potentiel d’effets en cascade dans les systèmes interconnectés.
  • L’intelligence artificielle (IA) peut accroître la robustesse, l’efficacité et l’adaptabilité des infrastructures et des solutions naturelles.

Les infrastructures essentielles sont les actifs, réseaux et systèmes nécessaires à la fourniture de services essentiels. Des dommages à ces infrastructures, même sur une courte période, risquent de perturber l’acheminement d’électricité, de gaz naturel, de denrées et d’eau potable; la collecte et le traitement des déchets; les réseaux de télécommunication; et les services de santé. Les défis croissants que posent les changements climatiques – en particulier les phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents et graves – mettent à l’épreuve la résilience des infrastructures essentielles et menacent des fonctions sociales et économiques vitales.

Les effets de phénomènes météorologiques extrêmes ponctuels, combinés ou coïncidents peuvent se répercuter en cascade sur des systèmes interconnectés. Les interdépendances entre systèmes critiques (p. ex., distribution d’électricité et soins de santé, approvisionnement en denrées alimentaires et transports) peuvent amplifier les vulnérabilités et entraîner un effet domino où la défaillance se propage à d’autres systèmes. L’évaluation des vulnérabilités aux changements climatiques exige de tenir compte des conditions propres au lieu, des tendances socioéconomiques et des facteurs hérités, chacun influençant la réaction du système aux effets climatiques. Des mécanismes de résilience et d’adaptation solides exigent donc des stratégies sur mesure.

On a proposé diverses solutions pour remédier à la vulnérabilité du secteur de l’énergie. Une intervention hautement ciblée peut parfois accroître nettement la résilience d’un réseau. Par exemple, la localisation et la protection des lignes électriques critiques ne représentant que 1 % du réseau électrique du Texas ont permis de réduire de 5 à 20 fois les coupures de courant provoquées par les ouragans. D’autre part, les réseaux intelligents alimentés par l’IA, l’apprentissage automatique (AA) et l’analyse prévisionnelle peuvent accroître la résilience globale de l’infrastructure énergétique. Les outils d’IA/AA peuvent aider à surveiller l’activité du réseau et à résoudre rapidement les problèmes, soutenir les algorithmes de maintenance préventive et de cybersécurité, et prévoir la production d’énergie renouvelable, tout en assurant un approvisionnement énergétique fiable dans un environnement dynamique. Ce genre d’outils pourraient améliorer la résilience d’autres réseaux d’infrastructure essentiels, comme la gestion de l’eau, les transports et les télécommunications. L’adaptation aux changements climatiques dans les zones urbaines est étroitement liée à l’amélioration de la résilience des infrastructures essentielles. Par exemple, une grande densité urbaine accroîtra l’effet d’îlot de chaleur, ce qui entraînera une demande accrue de climatisation et une plus grande pression sur les réseaux énergétiques, compliquant ainsi la transition énergétique. L’accroissement de la population fait augmenter l’activité économique et la concentration des ressources dans les villes, ce qui exige des infrastructures résilientes. Il est essentiel de s’attaquer aux goulots d’étranglement et aux menaces qui pèsent sur les chaînes d’approvisionnement en électricité, en denrées, en eau douce, etc., car la population urbaine devrait doubler de 2023 à 2050, et plus d’un milliard de personnes devraient vivre dans des quartiers informels, notamment dans les pays du Sud, particulièrement vulnérables et exposés aux risques. Il faut donc évaluer en détail les vulnérabilités et les risques climatiques pour mieux se préparer aux phénomènes extrêmes, surtout dans les communautés mal servies et marginalisées. Les solutions d’atténuation naturelles prennent de l’ampleur, par exemple l’infrastructure urbaine verte comme la végétalisation, qui offre des bienfaits sociaux et écologiques, notamment la réduction de la température locale et l’atténuation des risques d’inondation.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • Des initiatives comme la Global Methodology for Infrastructure Resilience Review (méthodologie mondiale d’évaluation de la résilience des infrastructures), lancée lors de la COP28 par le Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNDRR) et la Coalition pour des infrastructures résilientes face aux catastrophes (CDRI), témoignent de l’urgence et de l’importance croissantes d’évaluer les risques climatiques pour les infrastructures essentielles à l’échelle nationale. C’est la première méthodologie mondiale qui approche de façon holistique la résilience des systèmes d’infrastructure. Elle aide les pays à évaluer leur situation actuelle et à cerner les domaines d’amélioration.
  • Dans le même ordre d’idées, on souligne l’importance de l’initiative « Avertissements précoces pour tous », menée conjointement par l’UNDRR et l’OMM, qui vise à assurer une couverture mondiale complète d’ici 2027.
  • Autres considérations pour la résilience des infrastructures essentielles dans le secteur de l’énergie :
    • L’électrification croissante créera de fortes interdépendances avec d’autres systèmes d’infrastructures essentielles. L’investissement dans la résistance des réseaux électriques aux aléas climatiques permettra donc de préserver d’autres infrastructures interconnectées.
    • Les réseaux énergétiques décentralisés, comme les microréseaux, qui intègrent des énergies renouvelables et sont compatibles avec d’autres secteurs, accroissent l’équité, la résilience et l’accès à l’énergie propre; soutiennent le développement durable; et réduisent les vulnérabilités liées à l’interconnexion.
    • L’amélioration des lignes directrices sur la planification, la conception et la gouvernance de la construction d’infrastructures locales durables, y compris les microréseaux intégrés et les infrastructures sociales et physiques interconnectées, permet de distribuer efficacement l’énergie, d’accroître l’équité et de gérer les risques dans les communautés vulnérables en situation d’urgence.

8

8 – De nouveaux cadres favorisant un développement résilient face au climat dans les villes fournissent aux décideurs des idées pour générer des cobénéfices

MESSAGES CLÉS

  • Peu de villes intègrent des stratégies efficaces d’atténuation et d’adaptation à leurs plans d’action, alors que l’on prévoit que les risques climatiques toucheront des milliards de citadins.
  • Une approche fondée sur les systèmes socio-technico-écologiques permettra la mise en œuvre efficace de l’urbanisme résilient. Les solutions et technologies intelligentes faciliteront l’adoption de cette approche, maximiseront les avantages et limiteront les inconvénients.
  • Les villes à différents stades de développement – émergentes, en croissance rapide, établies ou en décroissance – font face à des défis distincts posés par les changements climatiques et appellent donc des stratégies adaptées à chaque contexte.

Avec l’intensification des changements climatiques, les effets toucheront des milliards de personnes dans les villes de par le monde. Beaucoup les subissent déjà. L’Asie et l’Afrique abritent quelque 80 des 100 villes à la croissance la plus rapide au monde, également considérées comme vulnérables aux changements climatiques. On y compte de grandes capitales commerciales, comme Jakarta, Lagos et Addis-Abeba. Les défis systémiques, comme l’exode urbain et le vieillissement de la population, peuvent réduire la capacité des résidents à résister et à s’adapter, puis à reconstruire en cas d’événements extrêmes.

Si l’atténuation comme l’adaptation sont cruciales à la planification et à l’action des villes, les autorités locales doivent souvent choisir entre les deux pour des raisons de budget et de financement. Le déséquilibre qui en découle peut conduire à des résultats insatisfaisants et à des compromis malheureux entre atténuation et adaptation. L’urbanisme résilient, centré sur l’action climatique et la prise en compte des populations vulnérables, assorti d’une approche fondée sur les systèmes socio-technico-écologiques, soutient le développement durable de façon intégrée. Les villes peuvent ainsi agir localement dans le cadre du développement durable global.

Une approche systémique, où les villes sont des touts ouverts et dynamiques, aide les décideurs à cerner et à limiter les inconvénients que des mesures isolées ou bilatérales risquent de cacher ou d’exacerber. On examine les interactions et les interdépendances et on élargit le spectre des options d’intervention et des bienfaits possibles en matière d’adaptation, d’atténuation, de biodiversité, de santé, d’équité, etc. Par exemple, on a constaté beaucoup de décès et de maladies liés à la chaleur en ville ces dernières années. Les quartiers défavorisés où il y a moins de verdure sont plus durement touchés et abritent moins d’installations de rafraîchissement. La migration rurale et transfrontalière dans certaines villes a attiré les ménages pauvres vers des quartiers informels dans des zones où les risques climatiques récurrents, comme les inondations, referment le piège de la pauvreté et augmentent la vulnérabilité et l’inégalité au sein de la société. Si les nouveaux espaces verts ne tiennent pas compte de cette interaction socio-technico-écologique sur la vulnérabilité à la chaleur, les avantages du rafraîchissement risquent d’aller aux quartiers riches ou d’entraîner de l’embourgeoisement, ce qui accentue encore l’inégalité en matière d’adaptation. La climatisation, importante pour s’adapter aux chaleurs extrêmes et sauver des vies, coûte cher, consomme beaucoup d’énergie et émet de la chaleur et des GES, créant ainsi une boucle de rétroaction. Le cadre des systèmes socio-technico-écologiques appliqué à ce cas illustre les avantages d’intégrer diverses dimensions pour arriver à des solutions holistiques (figure 8). Les stratégies écologiques, comme les infrastructures vertes et bleues, et les mesures sociales, comme le changement de comportement, réduisent le besoin de climatisation et atténuent les risques de la chaleur pour la santé. On limite les inconvénients et on maximise les bienfaits dans des villes ainsi vivables et résilientes.

Les villes à croissance rapide des pays à revenu faible et intermédiaire ont besoin d’aide pour construire des infrastructures vertes et bleues essentielles. Ces villes, surtout celles où l’on trouve des quartiers informels, manquent souvent de capacités socioéconomiques ou de mécanismes de gouvernance adaptatifs. Les petites villes manquent quant à elles de financement attitré à l’adaptation et à l’atténuation et dépendent fortement du budget d’un gouvernement central, ce qui retarde la planification. Les mécanismes novateurs qui suivent l’approche socio-technico-écologique sont plus adéquats pour gérer ce genre de problème. Ils permettent aux villes de prendre la voie d’un urbanisme résilient fondé sur des décisions effectives.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • L’élan en faveur d’un rôle central des villes dans l’action climatique mondiale a crû depuis la COP26. À la COP28, la coalition pour des partenariats multiniveaux ambitieux (Coalition for High Ambition Multilevel Partnerships – CHAMP) et la Déclaration commune sur l’urbanisation et le changement climatique ont mis l’accent sur l’autonomisation des villes et des gouvernements locaux afin de renforcer l’action climatique par une collaboration multiniveau. Ces efforts cherchent notamment à mieux cibler les villes dans les contributions déterminées à l’échelle nationale (CDN).
  • L’approche intégrée fondée sur les systèmes socio-technico-écologiques guide la mise en œuvre de l’urbanisme résilient, accentue ses retombées et privilégie les solutions synergiques qui permettent l’adaptation locale aux changements climatiques tout en contribuant aux efforts mondiaux de réduction des émissions de GES, en forte résonance avec l’initiative de la présidence de la COP29 sur les voies d’action multisectorielles pour des villes résilientes et saines. On fait ressortir certaines interventions :
    • Conception d’infrastructures vertes et de bâtiments à énergie solaire passive, associée à de nouvelles normes de comportement (sur le code vestimentaire, par exemple) pour réduire le stress thermique et les émissions de GES des bâtiments.
    • Planification et gouvernance urbaines soutenues par des outils d’analyse des mégadonnées et d’IA pour maximiser les avantages et limiter les inconvénients. Prise de décision assistée par l’IA permettant une évaluation beaucoup plus poussée des interactions multiples entre les diverses composantes socio-technico-écologiques du système urbain.
    • Investissement dans l’amélioration des capacités de gouvernance adaptative et de planification urbaine transformatrice.
    • Création de partenariats institutionnels novateurs incluant les collectivités locales et le secteur privé pour améliorer la mise en œuvre et la gestion des infrastructures et des services urbains.
  • Les interventions doivent tenir compte du contexte écologique et de la vulnérabilité propres à la ville. Les stratégies et les solutions doivent s’adapter aux défis propres aux villes à différents stades de développement (émergentes, en croissance rapide, établies ou en décroissance).
  • L’intervention stratégique doit reconnaître et résoudre les inégalités socioéconomiques et les vulnérabilités persistantes dues à l’urbanisme passé, aux quartiers informels actuels dans les zones à haut risque et aux nouvelles politiques conduisant à l’embourgeoisement, afin d’éviter de renforcer les injustices et la mésadaptation.
  • Il faut se doter de stratégies et de programmes de renforcement des capacités qui font intervenir divers acteurs à divers échelons pour combler le besoin de gouvernance locale adaptative en contexte d’incertitude croissante et d’urbanisation rapide, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
  • On doit créer des stratégies institutionnelles novatrices et collaboratrices qui incluent les collectivités locales et le secteur privé pour améliorer la mise en œuvre et la gestion des infrastructures et des services urbains.
Représentation visuelle de l'approche de la chaleur en milieu urbain fondée sur les systèmes socio-technico-écologiques. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 8. Approche de la chaleur en milieu urbain fondée sur les systèmes socio-technico-écologiques.
Comparaison des solutions à la chaleur en milieu urbain à l’aide d’une approche fondée sur les systèmes socio-technico-écologiques (McPhearson et coll., 2022) et des approches conventionnelles (unidimensionnelles ou bidimensionnelles), pour orienter l’urbanisme et intégrer aux politiques les bienfaits découlant d’interactions positives entre les interventions (coin supérieur droit).

9

9 – Combler les lacunes en matière de gouvernance dans la chaîne de valeur mondiale des minéraux de la transition énergétique est essentiel pour une transition juste et équitable

MESSAGES CLÉS

  • Avec la demande croissante de technologies d’énergie renouvelable, la dynamique et les défis de la chaîne de valeur des minéraux de transition énergétique (MTE) suscitent l’inquiétude.
  • La chaîne de valeur des MTE a d’importantes répercussions environnementales, sociales et économiques qui se font surtout sentir dans les pays du Sud.
  • Combler les lacunes de gouvernance à cet égard est un défi de taille si l’on aspire à une transition juste qui évite un fardeau accru et un bénéfice moindre aux pays du Sud.

La demande en MTE (minéraux et métaux essentiels aux technologies énergétiques propres, comme le cobalt, le cuivre, le lithium et les terres rares) a bondi en raison des efforts mondiaux en faveur d’un développement à faible émission de carbone et de la sécurité énergétique. L’importance des différents minéraux varie d’un pays à l’autre selon les réserves du pays, les risques liés à la chaîne d’approvisionnement, la prévisibilité de l’offre, les prix et les besoins en sécurité, mais les MTE sont essentiels aux systèmes d’énergie renouvelable – piles, panneaux solaires, éoliennes – dans le monde entier.

Les prévisions montrent un écart important entre les besoins futurs en minéraux et les réserves actuelles connues. D’ici 2050, la demande annuelle de lithium pourrait dépasser 25 % des réserves connues et être 12 fois supérieure à la production actuelle. On entrevoit une demande de 6 000 à 3,6 millions de tonnes de cobalt par an, alors que les réserves mondiales s’élèvent à 8,3 millions de tonnes. En 2030, la demande de terres rares sera cinq fois celle de 2005 et pourrait dépasser les réserves mondiales connues d’ici 2050. L’extraction, le traitement et l’élimination de ces minéraux génèrent souvent d’énormes quantités de déchets. La seule extraction du cuivre, du nickel, du manganèse et du lithium pourrait produire 953 gigatonnes de déchets secs de 2020 à 2050. Face à l’explosion de la demande de MTE, il faut bien comprendre leur chaîne de valeur (extraction, traitement, distribution) pour gérer la répartition mondiale des retombées et du fardeau social et environnemental (figure 9).

À mesure que la demande augmente, de nouvelles dynamiques géopolitiques apparaissent, les gouvernements prenant des mesures gouvernementales stratégiques comme l’interdiction d’importation, la formation d’alliances pour sécuriser la chaîne d’approvisionnement, l’augmentation de l’exploitation minière et de la transformation nationales. L’expansion des opérations minières dans des zones écologiquement vulnérables met ces zones en danger, et la grande demande en minéraux de transition peut entraîner des pénuries. Il faudra équilibrer priorités nationales et collaboration internationale pour éviter de retarder la transition énergétique mondiale.

Une chaîne de valeur responsable va au-delà des facteurs économiques et technologiques et privilégie la protection de l’environnement, la justice sociale, le partage des bénéfices et le commerce équitable (figure 9). Une transition juste vers l’énergie propre intègre les droits du travail, la gouvernance et diverses dimensions sociopolitiques pour éviter d’exacerber les inégalités et de porter préjudice aux communautés vulnérables. Les cadres émergents, comme l’idée de transition planétaire juste, qui intègre des perspectives décoloniales, élargissent les moyens de relever les défis complexes de la chaîne de valeur des MTE.

Les pays du Sud riches en ressources naturelles portent souvent le gros du fardeau tout en bénéficiant moins de la transition énergétique. La mainmise des pays du Nord sur la production et la consommation à forte valeur ajoutée, malgré la richesse en ressources des pays du Sud, est un grand défi de gestion de la chaîne de valeur. Les disparités dans les politiques commerciales, les capacités technologiques et la diversification économique empêchent les pays du Sud de bénéficier pleinement de la transition énergétique. La constitution de réserves par les pays du Nord exacerbe les contraintes d’approvisionnement et l’inflation des prix, ce qui aggrave les inégalités. Par exemple, alors que l’extraction du cobalt est concentrée en RDC, les entreprises qui lui appartiennent contrôlent moins de 5 % de la production. La recherche de nouvelles sources de minéraux risque de nuire aux collectivités locales et de susciter des objections. Une étude récente révèle que 69 % des plus de 5 000 projets de MTE mondiaux sont situés sur des terres appartenant des populations autochtones ou paysannes, ou tout près. Leur empiétement sur les zones protégées, les régions riches en biodiversité et les territoires autochtones contribue à la perte de biodiversité, à la dégradation des sols, à la pénurie d’eau et à la pollution.

Une chaîne de valeur responsable exige des efforts concertés pour limiter les effets sur l’environnement, faire respecter les normes du travail et le commerce équitable, et favoriser la participation de toutes les parties prenantes. Les mécanismes normatifs et réglementaires volontaires actuels, comme le Conseil international des mines et métaux (CIMM), l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité de l’UE, visent à améliorer la transparence et la diligence raisonnable tout au long de la chaîne de valeur, mais ils restent souvent insuffisants et mal coordonnés. Les mécanismes de gouvernance complète, qui équilibrent les intérêts géopolitiques; harmonisent le commerce, la justice planétaire et les politiques climatiques; et font participer la société civile, restent limités. L’ONU a créé un groupe de travail sur la transformation des industries extractives pour le développement durable et un groupe d’experts sur les minerais essentiels à la transition énergétique pour améliorer et coordonner l’action et établir des principes communs. Les mécanismes de gouvernance de la chaîne de valeur des MTE doivent se centrer sur l’humain et la justice planétaire, et anticiper les risques environnementaux, sociaux, économiques et technologiques tout le long de la chaîne. La coopération internationale et les principes de l’économie circulaire doivent contrer la tendance aux politiques axées sur l’intérêt national au détriment d’une transition énergétique mondiale juste et équitable. L’approvisionnement éthique, la transparence et la traçabilité, de l’extraction à l’utilisation finale, sont essentiels au partage équitable des bienfaits de la transition énergétique dans le monde.

DANS LA MIRE : PRINCIPES DIRECTEURS SUR LES MINÉRAUX ESSENTIELS À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Le groupe d’experts du Secrétaire général de l’ONU sur les minerais essentiels à la transition énergétique propose sept principes directeurs à base volontaire, qui s’appuient sur les normes, les engagements et les obligations juridiques établis dans les documents de l’ONU.

  • Principe 1 – Les droits de la personne doivent être au cœur de la chaîne de valeur de tous les minéraux.
  • Principe 2 – On doit préserver l’intégrité de la planète, de l’environnement et de la biodiversité.
  • Principe 3 – La justice et l’équité doivent être au fondement de la chaîne de valeur.
  • Principe 4 – On doit encourager le développement au moyen du partage des bénéfices, de la création de valeur ajoutée et de la diversification économique.
  • Principe 5 – Les investissements, le financement et le commerce doivent être responsables et équitables.
  • Principe 6 – Une bonne gouvernance passe par la transparence, la responsabilité et la lutte anticorruption.
  • Principe 7 – La coopération multilatérale et internationale doit sous-tendre l’action mondiale et promouvoir la paix et la sécurité.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • L’annonce, lors de la COP28, de la création du groupe d’experts de l’ONU sur les minerais essentiels à la transition énergétique prouve que la question est importante et qu’on reconnaît qu’il faut combler les lacunes de gouvernance pour assurer l’extraction et le traitement « durables, équitables et justes » des minéraux essentiels à la transition mondiale vers l’énergie propre. Le rapport récemment publié par le groupe d’experts propose une série de principes et de recommandations aux États membres et aux autres parties prenantes en amont de la COP29. Il devrait jouer un rôle crucial dans l’élaboration de l’approche mondiale de la gouvernance des minéraux de transition énergétique (MTE).
  • L’élaboration de normes cohérentes et contraignantes sur l’ensemble de la chaîne de valeur des MTE exigera un effort concerté de coopération internationale. Le Guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque sert de norme internationale de facto et est intégré à la réglementation en Europe, aux États-Unis, en Afrique centrale et au Moyen-Orient, ainsi qu’aux exigences de marché et d’échange en Europe et en Asie.
  • Au-delà de l’élaboration de normes industrielles et de cadres volontaires, l’harmonisation de la réglementation et l’élaboration d’accords contraignants qui préviennent l’arbitrage réglementaire constituent une étape essentielle dans une chaîne de valeur responsable. La Législation sur les matières premières critiques de l’UE, récemment entrée en vigueur, est un grand pas en avant à cet égard. Elle met l’accent sur l’approvisionnement durable, le recyclage et l’économie circulaire.
  • L’architecture de gouvernance mondiale des MTE devrait permettre aux pays du Sud riches en ressources de bénéficier équitablement de la transition énergétique mondiale, dans un cadre de justice planétaire.
  • Les gouvernements peuvent s’assurer que les collectivités locales prennent activement part aux décisions, menant à une gouvernance plus transparente et plus responsable des MTE. Par exemple, le « consentement libre, préalable et éclairé » est une exigence courante de protection des droits de la personne.
  • Des incitatifs financiers pour la recherche, la conception et l’utilisation de matériaux et de processus novateurs le long de la chaîne de valeur des MTE (p. ex., modes d’extraction non toxiques, technologies de recyclage des minéraux) sous forme d’exonérations fiscales, de subventions ou d’aides non remboursables sont également importants.
Représentation visuelle de la résolution des problèmes de la chaîne de valeur des MTE pour une transition énergétique juste et équitable. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 9. Résolution des problèmes de la chaîne de valeur des MTE pour une transition énergétique juste et équitable.
La chaîne de valeur des MTE et les problèmes qui se posent aux différentes étapes sur les plans environnemental, social, économique et technologique.

10

10 – L’acceptation des politiques climatiques (ou la résistance à celles-ci) par le public dépend essentiellement de sa perception de leur équité

MESSAGES CLÉS

  • L’équité perçue est un facteur déterminant dans l’acceptation des politiques climatiques. Des facteurs structurels, notamment les conditions socioéconomiques et l’identité culturelle, façonnent la résistance à ces politiques, mais les aspects des politiques relatifs à l’équité perçue peuvent aussi accroître l’acceptation par le public des mesures proposées. Pour surmonter les réticences, il faut comprendre l’économie politique et les intérêts des différents groupes.
  • Des processus décisionnels inclusifs et ascendants sont aussi d’un grand secours. Pour réussir, les politiques doivent concilier les intérêts des citoyens et des industries tout en tenant compte des fragilités socioéconomiques.
  • Ignorer ou négliger les besoins des citoyens ne fera qu’attiser la résistance, qui entrave la mise en œuvre de politiques efficaces. Méconnaître les motivations, faire fi du large spectre entre acceptation et résistance et assimiler toute forme d’opposition à un déni pur et dur des changements climatiques est une erreur et ne mène à rien.

Une transition climatique réussie, qui cible la consommation privée et l’adaptation locale, exige des politiques qui n’entrent pas en conflit avec les valeurs et opinions des populations touchées. Le soutien du public est essentiel à l’action urgente pour le climat. Une mauvaise compréhension des raisons derrière la résistance peut provoquer des réactions hostiles, l’opposition politique, la mobilisation sociale, voire des troubles civils.

Les données s’accumulent sur les multiples facteurs sociaux qui motivent l’acceptation ou la résistance, notamment les croyances individuelles, les normes sociales, l’identité culturelle, les conditions économiques et le type de politique. Les facteurs politico-économiques propres à chaque pays déterminent aussi crucialement la réussite des politiques climatiques. Une étude a révélé l’équité perçue comme premier facteur déterminant, parmi 15 facteurs évalués, de l’acceptation ou de la résistance. La répartition inéquitable perçue des coûts économiques et la crainte d’atteinte à la sécurité d’emploi, à l’identité culturelle et à la justice sociale découlant des politiques peuvent entraîner de la résistance (figure 9). Le public ne soutiendra la transition vers l’énergie propre que si l’on s’attaque à la corruption et aux pratiques déloyales. Les impôts et taxes supplémentaires et le retrait des subventions suscitent souvent de la résistance. De fortes préoccupations quant à la distribution et à l’inégalité des revenus effritent le soutien du public, qui craint de devoir supporter injustement des coûts supplémentaires. En revanche, l’utilisation des recettes ou des économies publiques pour améliorer le bien-être ou réduire les inégalités, ou même pour protéger l’environnement, rehausse l’acceptabilité des mesures (figure 9). L’équité passe par la reconnaissance des effets négatifs par les pays et les industries. Les besoins et les aspirations à l’échelle locale influent grandement sur la résistance. Certains groupes subiront certains coûts à court terme. Par exemple, la réinstallation planifiée est une mesure d’adaptation qui peut se heurter à une forte résistance, en particulier si on ne tient pas compte des répercussions sur le tissu social et les moyens de subsistance.

De plus, les débats internationaux négligent souvent les motifs de résistance culturels, qui dépendent aussi des besoins et des aspirations. On doit tenir compte des intérêts des groupes sociaux et industriels influents pour concilier succès et équité. En Indonésie, les groupes de pression de constructeurs d’automobiles et de motos ont entravé le retrait des subventions pour carburant. Au Ghana, des groupes de pêcheurs ont fait de même pour les subventions du kérosène, et des syndicats ont demandé l’exonération de l’augmentation des tarifs des transports collectifs. Les citoyens sans réel pouvoir politique peuvent adopter une « résistance discrète » en faisant semblant de suivre les règles ou en traînant les pieds pour saper les politiques auxquelles ils ne croient pas.

Ignorer les motivations sous-jacentes et le large spectre qu’il y a entre acceptation et résistance ne mène à rien. Il en va de même pour l’amalgame entre opposition à certaines politiques, due aux répercussions négatives subies par un groupe donné, et « déni des changements climatiques ». La résistance n’est pas négative en soi; elle peut donner une voix politique aux groupes marginalisés qui n’ont pas le pouvoir d’influencer les politiques par des moyens démocratiques. Dans les pays où les processus démocratiques sont limités, les formes courantes de résistance peuvent introduire des voies d’action climatique de rechange et faire ressortir les aspirations et les besoins locaux souvent négligés par le programme politique dominant. On peut considérer la résistance comme une autre forme de participation politique. La reconnaissance et l’utilisation de cette résistance pour faire ressortir des besoins négligés peuvent mener à l’élaboration de politiques plus efficaces. Si l’on ne tient pas compte des besoins des citoyens, la résistance continuera d’entraver les lois et les politiques climatiques transformatrices. À noter qu’il y a un écart de perception entre ce que la plupart des gens pensent que les autres sont prêts à sacrifier pour atténuer les changements climatiques. Des études à l’échelle mondiale montrent que près de 70 % des gens sont prêts à consacrer 1 % de leurs revenus à l’action climatique, et près de 90 % souhaitent que les gouvernements redoublent d’efforts. Des approches et des processus inclusifs, démocratiques et ascendants auxquels participent les collectivités locales aideront à surmonter les résistances. Le succès dépend de la capacité des décideurs politiques à trouver un équilibre entre les intérêts sociaux et industriels, tout en tenant compte des fragilités socioéconomiques découlant des réformes économiques et politiques passées.

IMPLICATIONS STRATÉGIQUES

  • La mise en évidence de mécanismes inclusifs et participatifs concrets, comme les assemblées citoyennes, avec la participation d’experts et de divers intervenants, accroît la légitimité et l’acceptabilité des politiques d’atténuation et d’adaptation. En mettant l’accent sur la détermination et l’adoption de voies équitables de transition énergétique, on favorisera une collaboration efficace et on légitimera ces politiques.
  • Certains aspects de conception des politiques influencent aussi leur acceptabilité. Des plans clairement communiqués sur l’utilisation des recettes ou des économies réalisées (nouvel impôt, nouvelle taxe, suppression d’une subvention) rehaussent l’acceptabilité, tout comme le font l’intégration de divers instruments politiques et l’établissement d’une séquence de mise en œuvre opportune. Des approches sur mesure, selon les besoins, réalités et préoccupations variés, sont nécessaires pour anticiper et surmonter les résistances liées à des facteurs culturels et locaux.
  • L’élaboration et la diffusion publique de plans économiques visant à compenser les pertes de certains groupes (p. ex., coûts de l’énergie ou du transport) font partie des stratégies de transition politiquement viables, comme la promotion d’autres possibilités d’emploi et l’élargissement des filets de sécurité.
  • Des actions visibles pour lutter contre la corruption et la captation réglementaire alimentent la perception d’équité et de transparence.
***
Représentation visuelle des facteurs d’interaction conduisant au refus ou à l’acceptation des politiques d’atténuation ou d’adaptation. Voir la légende de la figure pour les détails de l'illustration.
Figure 10. Facteurs d’interaction conduisant au refus ou à l’acceptation des politiques d’atténuation ou d’adaptation.
L’interaction entre les contextes politico-économiques et la conception des politiques peut conduire à l’exclusion, à l’injustice et à la vulnérabilité – menant à la résistance populaire – ou à l’inclusion, à l’équité et au développement – menant à l’acceptation populaire.

Vidéo

Principales sources de référence

Perspective 1

  • Malley, C. S., Borgford-Parnell, N., Haeussling, S., Howard, I. C., Lefèvre, E. N. et Kuylenstierna, J. C. I. (2023). A roadmap to achieve the global methane pledge. Environnemental Research : Climate 2, 011003. Lien internet : https://doi.org/10.1088/2752-5295/acb4b4.
  • Nisbet, E. G., Manning, M. R., Dlugokencky, E. J., Michel, S. E., Lan, X., Röckmann, T., Denier van der Gon, H. A. C., Schmitt, J., Palmer, P. I., Dyonisius, M. N. et coll. (2023). Atmospheric Methane: Comparison Between Methane’s Record in 2006–2022 and During Glacial Terminations. Global Biogeochemichal Cycles 37. Lien internet : https://doi.org/10.1029/2023GB007875.
  • Saunois, M., Martinez, A., Poulter, B., Zhang, Z., Raymond, P., Regnier, P., Canadell, J. G., Jackson, R. B., Patra, P. K., Bousquet, P. et coll. (2024). Global Methane Budget 2000–2020. Earth System Science Data Discussions, 1–147. Lien internet : https://doi.org/10.5194/essd-2024-115.
  • Schuit, B. J., Maasakkers, J. D., Bijl, P., Mahapatra, G., van den Berg, A.-W., Pandey, S., Lorente, A., Borsdorff, T., Houweling, S., Varon, D. J. et coll. (2023). Automated detection and monitoring of methane super-emitters using satellite data. Atmospheric Chemistry and Physics 23, 9071-9098. Lien internet : https://doi.org/10.5194/acp-23-9071-2023.
  • Zhang, Z., Poulter, B., Feldman, A. F., Ying, Q., Ciais, P., Peng, S. et Li, X. (2023). Recent intensification of wetland methane feedback. Nature Climate Change 13, 430-433. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41558-023-01629-0.

Perspective 2

  • Samset, B. H., Zhou, C., Fuglestvedt, J. S., Lund, M. T., Marotzke, J. et Zelinka, M. D. (2023). Steady global surface warming from 1973 to 2022 but increased warming rate after 1990. Communications Earth & Environment 4. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s43247-023-01061-4.
  • Persad, G., Samset, B. H., Wilcox, L. J., Allen, R. J., Bollasina, M. A., Booth, B. B. B., Bonfils, C., Crocker, T., Joshi, M., Lund, M. T. et coll. (2023). Rapidly evolving aerosol emissions are a dangerous omission from near-term climate risk assessments. Environnemental Research : Climate 2, 032001. Lien internet : https://doi.org/10.1088/2752-5295/acd6af.
  • Hodnebrog, Ø., Myhre, G., Jouan, C., Andrews, T., Forster, P. M., Jia, H., Loeb, N. G., Olivié, D. J. L., Paynter, D., Quaas, J. et coll. (2024). Recent reductions in aerosol emissions have increased Earth’s energy imbalance. Communications Earth & Environment 5. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s43247-024-01324-8.
  • Yang, Y., Zeng, L., Wang, H., Wang, P. et Liao, H. (2023). Climate effects of future aerosol reductions for achieving carbon neutrality in China. Science Bulletin (Beijing) 68, 902–905. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.scib.2023.03.048.
  • Jia, H. et Quaas, J. (2023). Nonlinearity of the cloud response postpones climate penalty of mitigating air pollution in polluted regions. Nature Climate Change 13, 943–950. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41558-023-01775-5.


Perspective 3

  • Lenton, T. M., Xu, C., Abrams, J. F., Ghadiali, A., Loriani, S., Sakschewski, B., Zimm, C., Ebi, K. L., Dunn, R.R., Svenning, J.-C. et coll. (2023). Quantifying the human cost of global warming. Nature Sustainability 6, 1237–1247. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41893-023-01132-6
  • Tripathy, K. P., Mukherjee, S., Mishra, A. K., Mann, M. E. et Williams, A. P. (2023). Climate change will accelerate the high-end risk of compound drought and heatwave events. Proceedings of the National Academy of Sciences des États-Unis 120, e2219825120. Lien internet : https://doi.org/10.1073/pnas.2219825120.
  • Vecellio, D. J., Kong, Q., Kenney, W. L., et Huber, M. (2023). Greatly enhanced risk to humans as a consequence of empirically determined lower moist heat stress tolerance. Proceedings of the National Academy of Sciences des États-Unis 120, e2305427120. Lien internet : https://doi.org/10.1073/pnas.2305427120.

Perspective 4

  • Afzal, F., Das, A. et Chatterjee, S. (2024). Drawing the Linkage Between Women’s Reproductive Health, Climate Change, Natural Disaster, and Climate-driven Migration: Focusing on Low- and Middle-income Countries – A Systematic Overview. Indian Journal of Community Medicine 49, 28–38. Lien internet : https://doi.org/10.4103/ijcm.ijcm_165_23.
  • Bonell, A., Part, C., Okomo, U., Cole, R., Hajat, S., Kovats, S., Sferruzzi-Perri, A. N. et Hirst, J. E. (2024). An expert review of environmental heat exposure and stillbirth in the face of climate change: Clinical implications and priority issues. BJOG 131, 623–631. Lien internet : https://doi.org/10.1111/1471-0528.17622.
  • He, C., Zhu, Y., Zhou, L., Bachwenkizi, J., Schneider, A., Chen, R. et Kan, H. (2024). Flood exposure and pregnancy loss in 33 developing countries. Nature Communications 15, 20. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41467-023-44508-0.
  • Rekha, S., Nalini, S. J., Bhuvana, S., Kanmani, S., Hirst, J. E. et Venugopal, V. (2024). Heat stress and adverse pregnancy outcome: Prospective cohort study. BJOG 131, 612–622. Lien internet : https://doi.org/10.1111/1471-0528.17680.
  • Scorgie, F., Lusambili, A., Luchters, S., Khaemba, P., Filippi, V., Nakstad, B., Hess, J., Birch, C., Kovats, S. et Chersich, M. F. (2023). « Mothers get really exhausted! » The lived experience of pregnancy in extreme heat: Qualitative findings from Kilifi, Kenya. Social Science & Medicine 335, 116223. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2023.116223.

Perspective 5

  • Callahan, C. W. et Mankin, J. S. (2023). Persistent effect of El Niño on global economic growth. Science 380, 1064–1069. Lien internet : https://doi.org/10.1126/science.adf2983.
  • Ditlevsen, P. et Ditlevsen, S. (2023). Warning of a forthcoming collapse of the Atlantic meridional overturning circulation. Nature Communications 14, 4254. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41467-023-39810-w.
  • Liu, Y., Cai, W., Lin, X., Li, Z. et Zhang, Y. (2023). Nonlinear El Niño impacts on the global economy under climate change. Nature Communications 14, 5887. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41467-023-41551-9.
  • van Westen, R.M., Kliphuis, M. et Dijkstra, H.A. (2024). Physics-based early warning signal shows that AMOC is on tipping course. Science Advances 10, eadk1189. Lien internet : https://doi.org/10.1126/sciadv.adk1189.

Perspective 6

  • Flores, B. M., Montoya, E., Sakschewski, B., Nascimento, N., Staal, A., Betts, R. A., Levis, C., Lapola, D. M., Esquível-Muelbert, A., Jakovac, C. et coll. (2024). Critical transitions in the Amazon forest system. Nature 626, 555–564. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41586-023-06970-0.
  • Lapola, D. M., Pinho, P., Barlow, J., Aragão, L. E. O. C., Berenguer, E., Carmenta, R., Liddy, H. M., Seixas, H., Silva, C. V. J., Silva-Junior, C. H. L. et coll. (2023). The drivers and impacts of Amazon forest degradation. Science 379, eabp8622. Lien internet : https://doi.org/10.1126/science.abp8622.
  • Levis, C., Flores, B. M., Campos-Silva, J. V., Peroni, N., Staal, A., Padgurschi, M. C. G., Dorshow, W., Moraes, B., Schmidt, M., Kuikuro, T. W. et coll. (2024). Contributions of human cultures to biodiversity and ecosystem conservation. Nature Ecology & Evolution 8, 866–879. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41559-024-02356-1.


Perspective 7

  • Anvari, M. et Vogt, T. (2024). Identifying the power-grid bottlenecks responsible for cascading failures during extreme storms. Nature Energy 9, 516–517. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41560-024-01499-6.
  • Barquet, K., Englund, M., Inga, K., André, K. et Segnestam, L. (2024). Conceptualising multiple hazards and cascading effects on critical infrastructures. Disasters 48, e12591. Lien internet : https://doi.org/10.1111/disa.12591.
  • Ottenburger, S. S., Cox, R., Chowdhury, B. H., Trybushnyi, D., Omar, E. A., Kaloti, S. A., Ufer, U., Poganietz, W.-., Liu, W., Deines, E. et coll. (2024). Sustainable urban transformations based on integrated microgrid designs. Nature Sustainability 7, 1067–1079. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41893-024-01395-7.
  • Perera, A. T. D. et Hong, T. (2023). Vulnerability and resilience of urban energy ecosystems to extreme climate events: A systematic review and perspectives. Renewable and Sustainable Energy Reviews 173, 113038. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.rser.2022.113038.


Perspective 8

  • Aboagye, P. D. et Sharifi, A. (2024). Urban climate adaptation and mitigation action plans: A critical review. Renewable and Sustainable Energy Reviews 189, 113886. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.rser.2023.113886.
  • Chua, P. L. C., Takane, Y., Ng, C. F. S., Oka, K., Honda, Y., Kim, Y. et Hashizume, M. (2023). Net impact of air conditioning on heat-related mortality in Japanese cities. Environment International 181, 108310. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.envint.2023.108310.
  • McPhearson, T., Cook, E. M., Berbés-Blázquez, M., Cheng, C., Grimm, N. B., Andersson, E., Barbosa, O., Chandler, D. G., Chang, H., Chester, M. V. et coll. (2022). A social-ecological-technological systems framework for urban ecosystem services. One Earth 5, 505–518. Lien internet : https://doi.org/10.1016/J.ONEEAR.2022.04.007.
  • Sánchez Rodríguez, R. A. et Fernández Carril, L. R. (2024). Climate-resilient development in developing countries. Current Opinion in Environnemental Sustainability 66, 101391. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.cosust.2023.101391.
  • Sharifi, A. (2023). Resilience of urban social-ecological-technological systems (SETS): A review. Sustainable Cities and Society 99, 104910. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.scs.2023.104910.


Perspective 9

  • Calderon, J. L., Smith, N. M., Bazilian, M. D. et Holley, E. (2024). Critical mineral demand estimates for low-carbon technologies: What do they tell us and how can they evolve? Renewable and Sustainable Energy Reviews 189, 113938. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.rser.2023.113938.
  • Fikru, M. G. et Kilinc-Ata, N. (2024). Do mineral imports increase in response to decarbonization indicators other than renewable energy? Journal of Cleaner Production 435, 140468. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2023.140468.
  • Owen, J. R., Kemp, D., Lechner, A. M., Harris, J., Zhang, R. et Lèbre, É. (2022). Energy transition minerals and their intersection with land-connected peoples. Nature Sustainability 6, 203–211. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41893-022-00994-6.
  • Owen, J. R., Kemp, D., Schuele, W. et Loginova, J. (2023). Misalignment between national resource inventories and policy actions drives unevenness in the energy transition. Communications Earth & Environment 4, 454. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s43247-023-01134-4.
  • Valenta, R. K., Lèbre, É., Antonio, C., Franks, D. M., Jokovic, V., Micklethwaite, S., Parbhakar-Fox, A., Runge, K., Savinova, E., Segura-Salazar, J. et coll. (2023). Decarbonisation to drive dramatic increase in mining waste – Options for reduction. Resources, Conservation and Recycling 190, 106859. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.resconrec.2022.106859.

Perspective 10

  • Biresselioglu, M. E., Solak, B. et Savas, Z. F. (2024). Unveiling resistance and opposition against low-carbon energy transitions: A comprehensive review. Energy Research & Social Science 107, 103354. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.erss.2023.103354.
  • Harring, N., Jönsson, E., Matti, S., Mundaca, G. et Jagers, S. C. (2023). Cross-national analysis of attitudes towards fossil fuel subsidy removal. Nature Climate Change 13, 244–249. Lien internet : https://doi.org/10.1038/s41558-023-01597-5.
  • Jones, B. et Cardinale, R. (2023). Social and political opposition to energy pricing reforms. Climate and Development 15, 817–828. Lien internet : https://doi.org/10.1080/17565529.2023.2165875.
  • Vargas Falla, A. M., Brink, E. et Boyd, E. (2024). Quiet resistance speaks: A global literature review of the politics of popular resistance to climate adaptation interventions. World Development 177, 106530. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2023.106530.
  • Brink, E., Falla, A. M. V. et Boyd, E. (2023). Weapons of the vulnerable? A review of popular resistance to climate adaptation. Global Environnemental Change 80, 102656. Lien internet : https://doi.org/10.1016/j.gloenvcha.2023.102656.

Abréviations

AA – Apprentissage automatique

AMOC – Atlantic Meridional Overturning Circulation (Circulation méridienne de retournement de l’Atlantique)

CCNUCC – Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques

CDN – Contributions déterminées au niveau national

COP – Conference of the Parties (Conférence des parties)

ENSO – El Niño-Southern Oscillation (oscillation australe El Niño)

FGCR – Framework for Global Climate Resilience (Cadre de résilience climatique mondiale)

GES – Gaz à effet de serre

GGA – Global Goal on Adaptation (Objectif mondial d’adaptation)

GIEC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

GMP – Global Methane Pledge (Pacte mondial sur le méthane)

IA – Intelligence artificielle

LDF – Loss and Damage Fund (Fonds pour pertes et dommages)

MTE – Minéraux de la transition énergétique

MWP – Mitigation Work Programme (Programme de travail sur l’atténuation)

OMM – Organisation météorologique mondiale

ONU – Organisation des Nations Unies

PIB – Produit intérieur brut

PNA – Plan national d’adaptation

SMR – Santé maternelle et reproductive

TFFF – Tropical Forest Forever Fund (Fonds pour la pérennité des forêts tropicales)

TSM – Température de surface de la mer

UNDRR – United Nations Office for Disaster Risk Reduction (Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophes)

Remerciements

L’élaboration du rapport original en anglais a été dirigée par Future Earth, The Earth League et le Programme mondial de recherches sur le climat.

La traduction vers le français du présent rapport a été réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia, la Durabilité à l’Ère Numérique et le pôle canadien de Future Earth avec l’apport financier des Fonds de recherche du Québec (FRQ) et du Leadership en innovation environnementale, numérique et durable (LIEN-D).

Nous reconnaissons le travail des personnes suivantes dans leurs capacités respectives :

COMITÉ DE RÉDACTION DU RAPPORT ORIGINAL
Wendy Broadgate – Secrétariat de Future Earth, Suède
Mercedes Bustamante – Université de Brasilia, Brésil
Josep Canadell – Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO), Australie
Sabine Fuss – Mercator Research Institute on Global Commons and Climate Change (MCC), Allemagne
Amadou Thierno Gaye – Université Cheikh Anta Diop, Sénégal
Tae Yong Jung – École supérieure d’études internationales de l’Université de Yonsei, République de Corée
Jiang Kejun – Chinese Academy of Macroeconomic Research, Chine
Jemilah Mahmood – Centre for Planetary Health de l’Université Sunway, Malaisie
Aditi Mukherji – CGIAR, Inde
Åsa Persson – Stockholm Environment Institute (SEI), Suède
Johan Rockström – Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), Allemagne; Université de Potsdam, Allemagne
Joyashree Roy – Asian Institute of Technology, Thaïlande
Lisa Schipper – Université de Bonn, Allemagne
Peter Schlosser – Université d’État de l’Arizona, États-Unis
Detlef Stammer – Université de Hambourg, Allemagne
Roberto Schaffer – Université fédérale de Rio de Janeiro, Brésil
Youba Sokona – Centre africain de politique climatique, Mali
Djiby Thiam – Université du Cap, Afrique du Sud

ÉDITION-COORDINATION DU RAPPORT ORIGINAL
Daniel Ospina – Secrétariat de Future Earth, Suède
Paula Mirazo – Université d’État de l’Arizona, États-Unis

ÉDITION-COORDINATION DE LA VERSION FRANÇAISE
Rachelle Fox – Durabilité à l’Ère Numérique, Canada; Future Earth, Canada
Service de traduction de l’Université Concordia – Université Concordia, Canada


RÉDACTION DES CHAPITRES DU RAPPORT ORIGINAL

PERSPECTIVE 1
Sarah Feron – Université de Groningen, Pays-Bas
Örjan Gustafsson – Université de Stockholm, Suède/Bangladesh
Joannes D. Maasakkers – SRON Netherlands Institute for Space Research, Pays-Bas
Claire MacIntosh – Agence spatiale européenne, Royaume-Uni
Erin Tullos – Université du Texas à Austin, États-Unis
John Worden – Jet Propulsion Laboratory/California Institute of Technology, États-Unis 
Zhen Zhang – Institute of Tibetan Plateau Research Chinese Academy of Sciences, Chine

Coordination de la perspective :
Sophie Hebden – Secrétariat de Future Earth, Suède; Agence spatiale européenne, Royaume-Uni


PERSPECTIVE 2
Paulo Artaxo – Université de São Paulo, Brésil
Geeta Persad – Université du Texas à Austin, États-Unis
Ilona Riipinen – Université de Stockholm
Bjørn H. Samset – CICERO, Norvège
Yang Yang – Université des sciences et technologies de l’information de Nanjing, Chine

Coordination de la perspective :
Tanja Blome – Climate Service Center Germany (GERICS), Allemagne


PERSPECTIVE 3
Sarah Roffe – Conseil de la recherche agricole, Afrique du Sud; Université de l’État-Libre, Afrique du Sud; Université de Witwatersrand, Afrique du Sud
Vikki Thompson – Royal Netherlands Meteorological Institute (KNMI), Pays-Bas
Daniel J. Vecellio – Université George Mason, États-Unis
Chi Xu – Université de Nanjing, Chine; Université de Ningxia, Chine
Mariam Zacharia – Imperial College London, Royaume-Uni/Inde

Coordination de la perspective :
Aaron Redman – Université d’État de l’Arizona, États-Unis; Monitoring and Evaluating Climate Communication and Education Project (MECCE), Canada


PERSPECTIVE 4
Melanie Boeckmann – Université de Brême, Allemagne
Cheng He – Helmholtz Zentrum München – German Research Center for Environmental Health (GmbH), Allemagne
Adelaide Lusambili – Université Africa International, Kenya
Santosh Pandipati – Lōvu Health, États-Unis

Coordination de la perspective :
Nilushi Kumarasinghe – Secrétariat de Future Earth, Canada; Durabilité à l’Ère Numérique, Canada


PERSPECTIVE 5
Wenju Cai – Ocean University of China, Chine; Université Xiamen, Chine
Maria Paz Chidichimo – Conseil national de la recherche scientifique et technique (CONICET), Argentine; Université nationale de San Martín, Argentine
Peter Ditlevsen – Université de Copenhague, Danemark
June-Yi Lee – Université nationale de Pusan, République de Corée; IBS Center for Climate Physics, République de Corée
Justin S. Mankin – Dartmouth College, États-Unis; Lamont-Doherty Earth Observatory de l’Université Columbia, États-Unis
René M. van Westen – Université d’Utrecht, Pays-Bas

Coordination de la perspective :
Henry C. Wu – Climate Service Center Germany (GERICS), Allemagne


PERSPECTIVE 6
Ane Alencar – IPAM Amazônia, Brésil
Marina Hirota – Université fédérale de Santa Catarina, Brésil
David Lapola – Université d’État de Campinas (Unicamp), Brésil
Carolina Levis – Université fédérale de Santa Catarina, Brésil; Université Princeton, États-Unis
Boris Sakchewski – Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), Allemagne

Coordination de la perspective :
Adrian Heilemann – Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), Allemagne
Maria Martin – Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), Allemagne


PERSPECTIVE 7
Mehrnaz Anvari – Fraunhofer Institute for Algorithms and Scientific Computing SCAI, Allemagne; Potsdam Institute for Climate Impact Research, Allemagne
Sirkku Juhola – Université d’Helsinki, Finlande
Şiir Kilkiș – Scientific and Technological Research Council of Turkey (TÜBİTAK), Turquie
Joseph Nyangon – Department of Energy des États-Unis
Amarasinghage T. D. Perera – Université Princeton, États-Unis
Gina Ziervogel – Université du Cap, Afrique du Sud  

Coordination de la perspective :
Sunhee Suk – Secrétariat de Future Earth, Japon; Université de Nagasaki, Japon


PERSPECTIVE 8
Ursula Eicker – Université Concordia, Canada 
Tischa A. Muñoz-Erickson – International Institute of Tropical Forestry, USDA Forest Service, États-Unis
Zeenat Niazi – TERI School of Advanced Studies, Inde; Development Alternatives, Inde
Ayyoob Sharifi – Université d’Hiroshima, Japon
Wan-Yu Shih – Université nationale de Taiwan, Taipei

Coordination de la perspective :
Giles B. Sioen – Sustainable Society Design Center, Graduate School of Frontier Sciences, Université de Tokyo, Japon; Secrétariat de Future Earth, Japon


PERSPECTIVE 9
Mahelet G. Fikru – Université des sciences et des technologies du Missouri, États-Unis
Nandakumar Janardhanan – Institut pour les stratégies environnementales mondiales, Japon
Pia Marchegiani – Faculté latino-américaine des sciences sociales (FLACSO), Argentine; Fondation pour l’environnement et les ressources naturelles (FARN), Argentine

Coordination de la perspective :
Paula Mirazo – Université d’État de l’Arizona, États-Unis


PERSPECTIVE 10
Mehmet Efe Biresselioglu – İzmir University of Economics, Turquie
Ebba Brink – Université de Lund, Suède
Roberto Cardinale – University College London, Royaume-Uni
Niklas Harring – Université de Göteborg, Suède
Ana Maria Vargas Falla – Université de Lund, Suède

Coordination de la perspective :
Henry C. Wu – Climate Service Center Germany (GERICS), Allemagne


RÉVISION STRATÉGIQUE
Roberta Boscolo – Organisation météorologique mondiale (OMM), Suisse
Edward King – Global Strategic Communications Council (GSCC), Royaume-Uni
Naghmeh Nasiritousi – Université de Linköping, Suède

Logos